29 décembre 2009

Peace and love


Notions de temps...

Photo faite le 29 décembre 2009


Je suis allé aujourd'hui rendre visite au grenier d'un homme décédé il y a peu de temps. Cet homme était postier, ou plutôt cariste à la poste. Un métier dont apparemment il était complètement passionné; on en trouve des vestiges des plus remarquables, témoins insolites d'un temps passé. Vieilles cartes à trous, avec la machine à les fabriquer, caisse enregistreuse du car, livrets de comptes postaux de plus de 110 ans, ainsi qu'une multitude de disques vynils, de photos et d'affiches publicitaires vendant les mérites du car "moderne"...

Comment ne pas être touché par ces véritables panneaux indicateurs de notre passé? Combien de nos téléphones ou autres ordinateurs portables resteront encore en fonction dans 110 ans? Ces merveilles de mécanique sont les plus belles preuves de l'ingéniosité de l'Homme.

Au jour où l'on tente de sauver ce que l'on peut de la terre qui nous héberge, en revenant à des valeurs moins frivoles, où le superflu n'est plus un signe de supériorité, mais une autorisation d'accusations publiques, nous devrions peut-être avant tout nous pencher sur ce passé qui n'est pas si lointain, un passé que nos parents connaissent encore. Mais voilà, nous ne prenons pas le temps de les écouter, nos aînés, qui ont pourtant tant de choses à nous raconter!

Il y a des choses, comme ça, que l'on sous-estime, auxquelles on ne prête pas l'attention qu'elles méritent. Et cela trop souvent au bénéfice de bien des futilités. Nous sommes passés aujourd'hui d'un mode de communication orale à une communication informelle, informatisée. La culture orale, la vraie, celle que l'on peut observer encore dans quelques minorités de peuples, se retrouve parfois dans une famille ici ou là; la rapidité de la communication, sa soit-disant praticité, ont fini par envahir nos moeurs à tous, qu'on le veuille ou non, nous faisons partie intégrante de l'engrenage! Il y a peu de temps, j'ai vu une publicité pour un abonnement de téléphonie. On y voyait un garçon et une fille qui essaient de s'avouer leur amour, mais aucun des deux n'a le courage de dire la phrase qui fait si peur... Et la publicité de dire: "il est parfois plus facile d'écrire..." Je me demande bien où est le charme de la déclaration, écrite en style télégraphique... Pourquoi ne pas se l'envoyer par signaux morses, après tout?!

Il y a des choses, comme ça, que l'on sous-estime. Le propre de l'Homme, disent certains, c'est la parole. Sommes donc bientôt si loin de l'humanité? Alors quitte à passer pour ringard, je suis et resterai autant que je le pourrai un fervent défenseur de la langue orale, mais surtout du contact réel qui l'accompagne inéluctablement, du sens tactile, de la sensibilité qui se dégage des regards, des sourires ou des mimiques que l'on arbore parfois. L'amour du prochain, comme on le nomme dans le grand livre, n'est à mon avis véritablement vécu qu'à travers une vraie relation, réelle et solide. Pas forcément de longue date, mais surtout pas de manière virtuelle. Même l'amitié la plus forte, celle qu'on croyait indestructible, celle en laquelle on croyait comme au soleil, si elle n'est entretenue que par écrits, peut s'envoler du jour au lendemain avec la facilité d'un clic de souris, mettant tout cela à la corbeille.

Alors, en ces périodes de fêtes, prenez ceux que vous aimez dans vos bras, dites-leur que vous les aimez. Une carte fait toujours plus plaisir qu'un e-mail, celui qu'on envoie à tout le carnet d'adresses... Mais, franchement, un gros câlin ne fait-il pas mille fois plus son effet? Laissons donc les glaçons et les attaques mordantes à l'extérieur, profitons du fait que ceux que nous aimons soient encore présents pour le leur dire.

29 novembre 2009

Sourires d'enfant


Naissance rêveuse, jeunesse utopiste, vie d'espoirs, vieillesse désillusionnée; la vie?!

Photo faite le 11 avril 2009


Fais des rêves... Tu rêves de devenir astronaute, tu rêves d'une planète saine, tu rêves de ta propre symphonie, ou de la fille que tu as rencontrée une fois, par hasard, comme on tombe sur une carte postale délaissée... Une carte postale qui fait tellement plaisir lorsqu'elle rappelle tous ces souvenirs enfouis, parfois pas si loin, juste là, dans ce tiroir. Souvenirs enfouis, qui parfois aussi s'enfuissent d'eux-mêmes, à cause de quoi? "Mauvais" souvenirs, souvenirs tristes, désagréables, nous arrivons facilement à en accumuler bien quelques-uns au cours de ce peu de temps qui nous est imparti, parfois par la force des choses, et parfois plus délibérément. Toujours est-il que ces souvenirs-là, ceux qui font mal quand on y pense, nous les enfouissons bien profondément. Rangés dans leur tiroir, cachés sous le tapis ou enfermés dans une boîte scellée, ils pèsent toutefois lourd, ils prennent une place considérable, pourquoi? Je vous le demande bien: à quoi nous servent ces souvenirs si accablants? Pour nous protéger de nouvelles attaques, à la manière d'un vaccin? Les mutations du virus de la vie sont nombreuses, tant que jamais aucun vaccin ne sera véritablement efficace.


Alors fais des rêves. Des "mauvais"? Ils existent, ils font partie du lot. Un peu comme quand vous rencontrez une personne qui ne vous apporte rien, et à qui vous ne pouvez rien apporter. Vous savez que malgré tout, demain peut-être, vous allez rencontrer la femme de votre vie, vous savez qu'il y a tout de même une chance que vous rencontriez une personne véritablement intéressante, avec qui vous vous sentirez bien, avec qui vous pourrez échanger une vraie conversation, un vrai moment. Vous savez qu'une fois endormi, toutes gardes baissées, vous avez une chance de faire un "beau" rêve.


Et la journée? Eh bien, fais aussi des rêves! Rêver, projeter, penser à l'avenir, apprécier ce délicieux moment d'allégresse totale devant le spectacle des arbres morts, de la terre asséchée, de l'eau endurcie, immobilisée, des oiseaux recroquevillés à la recherche de la moindre chaleur à absorber, un spectacle aux couleurs ternes, blanchi de brumes, et dont on pourrait croire que la vie l'a définitivement quitté. N'est-ce pas magnifique?! "L'essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu'avec le coeur", nous enseigne l'aviateur... Ce prince, qui nous apprend les choses essentielles, qui nous révèle la beauté là où les apparences, bornées à nos simples perceptions visuelles, n'inspirent que le découragement, ce prince nous expliquerait peut-être ici comment se passe le printemps, avec quelle joie la nature renaît, dans quelles explosions de couleurs, de chaleur, cette eau se remet en mouvement, avec quel sourire les enfants ouvrent les volets de leur fenêtre, en découvrant cette émergence de vie soudaine.


Et peut-être qu'en imaginant la vie, la joie, là où nous ne la voyons pas au premier coup d'oeil, peut-être qu'ainsi nous aurons une chance de faire un "beau" rêve, peut-être même que le spectacle de l'automne, spectacle de la lente agonie de la nature, trouvera une beauté à nos yeux, guidés par notre coeur... Toutes gardes baissées.

31 octobre 2009

L'histoire sans fin



L'Homme qui portait le visage de la nature...

Photo faite le 21 septembre 2009


Grands dialogues amoureux, constructions enfantines, jeux innocents et plus intimes, promenades solitaires, familiales ou sportives, durs labeurs, les arbres voient se déployer autour d'eux une agitation bien souvent que l'on pourrait qualifier de pacifique. En effet, comment ne pas être en paix avec ces êtres paisibles de nature? Leur si lente croissance ne peut que nous inspirer le calme, à nous qui voulons à tout prix paraître adulte et responsable le plus tôt possible. Il nous a fallu des milliers, des millions d'années pour arriver à ce que nous sommes aujourd'hui, et il ne nous faudra pas plus d'une petite centaine d'années pour tout anéantir... Il y a aujourd'hui une foule grandissante de personnes qui ont compris le message que la nature nous envoie: elle se moque de nous, elle rit de nos soucis de réchauffement planétaire.

Cela ne vous paraît pas si logique? Voyons. La seule espèce réellement en danger aujourd'hui est bien l'Homme! La Terre se remettra toujours de n'importe quel cataclysme. Alors peut-être que l'Homme sera suffisamment fort pour y supprimer la vie animale, peut-être même végétale. Mais la planète elle-même renaîtra de ses cendres. Après l'astéroïde humain, de nouvelles espèces recoloniseront la belle planète bleue, que nous tentons de dévaster le moins possible, en tant qu'hôtes provisoires... En effet, nous ne sommes que des invités à ce grand banquet qu'est la consommation de notre Terre. Des invités bien gourmands, d'ailleurs. A tel point que nous sommes devenus le parasite mortel de notre hôtesse. Mais quelle hôtesse? Ce n'est pas la Terre, ni la nature, qui reprennent leurs droits dès qu'elles en ont envie. Non, je parle bien ici de la Vie, l'Homme se verra bientôt s'il continue sur sa lancée autodestructrice en voie de disparition. Une extinction si rapide que personne ne réalisera véritablement cette fin humaine.

Le chêne, paisible, regarde tout cela du haut de ses ramages, non sans un profond regret. Il aurait tant à nous raconter, tant à nous apprendre. Il nous tend les bras, il nous suffirait alors de nous arrêter un instant et de l'écouter. Et peut-être apprendrions-nous non seulement que son monde à lui, si paisible, ludique, romantique ou laborieux, n'est autre que le nôtre également.

27 septembre 2009

Différences



Solitaire accompagné.

Photo faite le 24 septembre 2009


Cette fois, ça y est. Les étourneaux commencent à se rassembler, alignés l'un à côté de l'autre. Ils se racontent leur été? Pensent-ils déjà au sud, aux chaleurs réconfortantes? Les plus jeunes demandent peut-être aux anciens à quoi cela ressemble... Le sud, en quelque sorte un rêve. Et aussi la promesse d'un long voyage, difficile, même pour les jeunes et les plus robustes! Heureusement, leurs parents sont là pour les guider, une première fois, le long de ce périple qui les mènera dans ces contrées inconnues, le temps de l'hiver.

Ces parents lui ont toujours enseigné, à lui, le petit étourneau, que le long voyage est bien plus sûr avec les autres. Ainsi, le jeune aujourd'hui n'est pas effrayé de rencontrer des centaines de milliers de semblables qui attendent comme lui ce fameux signal du départ...

Au fond, quelle différence y a-t-il entre cet étourneau et nous? Il y a dans le monde deux millions d'espèces vivantes, nous faisons partie du même ensemble. Nous apprenons la même chose toute notre vie: nous apprenons à devenir indépendants, afin de transmettre cet apprentissage à nos petits. J'irais même plus loin: l'étourneau, lui, arrive à vivre en harmonie avec son milieu, chose dont nous sommes bien incapables, car paraît-il nous avons trop de besoins... L'étourneau vit en solitaire aussi bien qu'en société, il suffit d'observer leur façon de se déplacer en essaims, c'est tout simplement un spectacle à chaque instant.

Qu'aurions-nous donc de différent? La parole? L'intelligence? Chacun a droit à sa propre opinion sur le sujet, mais je considère leur parfaite coordination en déplacements comme une forme de communication et d'intelligence autant voire plus élaborée que la nôtre. Essayons donc d'exécuter la même chorégraphie avec 100, 200 ou même 500'000 personnes... Bien sûr, nous pouvons nous vanter de notre liberté individuelle, nous sommes moins grégaires... Mais, au fond, que préférer? Une liberté de mouvement absolue, une liberté de choix entre l'indépendance de la vie en solitaire et les avantages d'un voyage en communauté; ou préfère-t-on peut-être vivre sa liberté plutôt en imagination, une liberté de pensée qui bien souvent s'arrête aux frontières de ce monde des pensées?

Un jugement de valeur ne serait que futilité subjective. Pour que la comparaison entre l'homme et la nature prenne toute sa vérité, il suffit d'observer, et d'apprendre. Apprendre en restant humble, savoir remettre en question ce que la "société" nous a enseigné. C'est peut-être là la seule grande vraie différence entre le sansonnet et l'homo sapiens: ce dernier a la capacité en lui de pouvoir se poser ce genre de questions. Mais alors, si la nature nous en a donné la possibilité, n'est-ce pas justement parce que nous en aurions bien besoin?

29 août 2009

In vitae vita



La vie dans la Vie!

Photo faite le 28 août 2009


Au détour d'une promenade, une rencontre frappante. Un arbre en pleine décadence, déjà très vieux, ridé, il a perdu depuis longtemps sa belle parure verte et éclatante. Autour de lui, tout est encore jeunesse, verdure en pleine santé. Le vieux sage écoute paisiblement les oiseaux gazouiller autour de lui, il regarde avec sérénité les jeunes plants se frayer une place pour y implanter leurs racines, se battant âprement pour la moindre goutte d'eau. Lui ne s'en fait plus, sa place est établie depuis belle lurette, personne n'arrivera à le détrôner, pas même un ouragan. Inébranlable, il est l'objet de l'admiration de toutes les petites pousses.

Chaque arbuste a pour objectif ultime de devenir aussi fort, grand et beau que cet ancêtre. Chacun de ces jeunes plants ne conçoit aucune autre finalité à sa vie que celle-ci; la sagesse incarnée dans ce grand peuplier leur inspire un respect des plus profonds. On entend presque, si on tend bien l'oreille, certains dire que lorsqu'ils arriveront à cet âge, à cette force, à ce caractère, leur vie serait accomplie; qu'à partir de ce moment, toutes leurs attentes auraient été comblées. Pour eux, toutes les conditions seraient remplies, leur grand-père ne peut qu'être heureux.

C'est une belle image que nous voyons ici. Une image, oui. Car l'intérieur de l'ancêtre n'est pas aussi solide et inébranlable qu'il n'y paraît. Son coeur est littéralement rongé, le peuplier se fait torturer de l'intérieur, il souffre, malgré l'apparence droite et robuste qu'il conserve. C'est l'apparence qu'il veut donner à ces jeunes qu'il considère avec bienveillance. "Mais qu'est-ce qui le travaille autant? Pourquoi est-il si malade de l'intérieur?" se demandent les quelques voisins adultes qui devinent ce qui se cache derrière cette façade sculptée par les épreuves du temps.

Nul ne le saura, probablement, à moins que ce vieux mystérieux ne leur ouvre une fois complètement son coeur. Il ne le fera jamais volontairement, car il sait que cela lui coûterait la vie, de se fendre pareillement. Mais il sait que les autres ont besoin de comprendre, et qu'il aurait probablement besoin de leur en parler discrètement un jour... Il invita donc un petit champignon, car il sait que le champignon pourra aller récolter le plus profond de ses secrets. Il espérait ainsi limiter les dégâts et communiquer aux autres ce qui le ronge pareillement, sans pour autant mourir sur-le-champ. Bien sûr, le parasite le tuerait à la longue. Mais cette cohabitation pouvait rester pacifique encore pendant quelques temps.

Il mit donc toute sa confiance en ce petit être, il baissa toutes ses gardes, toutes les dernières défenses qui lui restaient, pour que le petit champignon puisse vraiment connaître son hôte, et ensuite raconter aux membres de sa famille ce qui se passait à l'intérieur de leur père et grand-père. Le messager et le vieillard commençaient à s'apprécier de plus en plus, le champignon se développait à mesure que l'arbre se déchargeait de tous ses mystères et ses secrets.

Un jour, l'esprit de l'arbre était si léger, grâce à son fidèle compagnon, qu'il s'envola. Ce temps de vie en commun avec un autre être vivant à l'intérieur de lui-même lui avait été vraiment bénéfique! Et l'arbre tomba, dans toute la grâce qui avait fait son image jusqu'à ce jour. Ce fut un triste événement pour tous ceux qui l'entouraient, qui avaient entendu tout ce que le champignon leur avait révélé. Mais ils savaient que l'arbre était tombé en gardant sa dignité, qu'il avait été libéré de tout ce qui l'avait rongé durant sa vie. Et ils savent à présent tous les enseignements de l'ancien. Le champignon, fidèle à jamais à son hôte, continue à transformer son ami en terreau des plus fertiles pour les jeunes pousses suivantes. Il finira d'accomplir son rôle, il aidera cet être qui lui était devenu si cher à réaliser son rêve. Un rêve qui n'était pas de devenir l'idole intouchable et inacessible de ses admirateurs, mais bien de les aider à grandir en faisant leurs preuves, par eux-mêmes.

Bientôt le vieux monument ne sera plus qu'un souvenir dans le coeur de ceux qui l'avaient connu, mais il aura réalisé son rêve. Et ce rêve continuera à se réaliser tant qu'il donnera vie à d'autres arbustes qui se nourriront de son savoir immense! Ce rêve réalisé, il ne le doit qu'à un seul être, qui l'aura suivi toute la fin de sa vie. S'il n'avait pas décidé de baisser sa garde et d'accepter l'aide de cette symbiose, il n'aurait pas vécu ce bonheur de la véritable sérénité. Sa paix intérieure lui aura été donnée uniquement par son ouverture à l'amour et à l'écoute d'une vie à l'intérieur de lui-même...

26 juillet 2009

Une petite chose fragile...


Beautés fragiles

Photo faite le 19 septembre 2008


Avez-vous déjà observé avec patience l'araignée qui tisse sa toile? Elle construit son piège avec tant de perfection qu'elle rassemble à elle seule toutes les capacités d'un architecte et des meilleurs ouvriers. De la qualité du fil à la beauté de l'ensemble, la construction est d'une fragilité déconcertante, et résiste tout de même à des poids proportionnellement effarants. Jamais aucun humain n'a réussi à créer à son échelle pareil chef d'oeuvre.

On a toujours voulu imiter la nature; on a voulu voler comme les plus beaux oiseaux, on a voulu plonger comme les poissons, on a même rejoint la lune... Une des imitations qui me fait parfois réfléchir est celle du soleil: quand le jour s'éteint, arrive la lumière complètement artificielle de nos ampoules. C'en est devenu si répandu qu'on parle à présent de pollution lumineuse, une pollution qui nous empêche par exemple de voir une grande partie des constellations en pleine ville.

Entre la vie diurne et la vie nocturne, il y a tout un monde de différences. Une ville n'a pas le même visage de jour ou de nuit; les animaux nocturnes ne chasseront jamais pendant la journée, et inversément. Je me dis que cette même comparaison se retrouve à l'intérieur de chacun de nous. Bien sûr, nous avons tous un jardin secret, une "vie cachée", qu'on se l'avoue ou non. Mais ce n'est pas ici la comparaison que je perçois. L'image qui me vient, en pensant à la lumière du jour et à celle des ampoules, c'est l'image renvoyant à la personnalité-même de chacun de nous. Il y a à l'intérieur des gens un côté très lumineux, très naturel, avec des couleurs vives, un monde d'une richesse inouïe. Ce monde ne demande qu'à être exploré, c'est un univers ouvert, accueillant, chaud. Puis il y a une autre facette, plus sombre, plus artificielle, éclairée uniquement là où on veut bien y mettre de la lumière, fabriquée. Cet espace est beaucoup plus fermé, plus froid. C'est le monde de la perfidie, du venin. Les enfants vivent le jour, les monstres sortent la nuit...

Chaque personne porte en elle ces deux faces. La peur, les blessures surgissent alors quand le jour et la nuit se rencontrent. Mais lorsque deux personnes sont sur la même longueur d'onde, que ces personnes s'émerveillent des beautés de la nature, qu'elles prennent complètement conscience de l'extrême fragilité de l'équilibre dans lequel elles évoluent, alors elles oublient toute artificialité, elles sont profondément elles-mêmes. C'est à ce moment-là que ces deux personnes comprennent qu'elles n'arriveront jamais à faire quelque chose d'aussi admirable qu'une minuscule araignée, de la même manière que toutes les autres personnes les entourant n'arriveront jamais à collaborer toutes ensemble, aussi bien qu'une fourmilière.

La leçon d'humilité passée, on se rend alors compte, peut-être, que nous avons encore énormément à apprendre, à comprendre, à "inventer" ou plutôt à imiter. Mais pour arriver à cela, il est indispensable de quitter l'attitude d'arrogance et donc inévitablement d'ignorance qui nous empêchent de sortir de la nuit, et d'être éclairés plutôt que de tenter d'éclairer individuellement, et encore, de manière très maladroite...

22 juin 2009

Les Hommes et les villes


L'humain, un FIFF à lui tout seul

Photo faite le 24 septembre 2008


Les Hommes ont bâti les villes pour se rassembler, pour mieux collaborer, pour créer les échanges... A présent, la plupart des personnes citadines que je rencontre affirment préférer l'anonymat d'une grande ville à la réputation vite faite des petits villages. Par contre, en "parallèle", on devient carrément adepte à la connaissance non moins vite faite de la vie de chacun grâce à de nouvelles plateformes sociales virtuelles.

On vit un monde où l'incohérence et la peur règnent en maîtresses des esprits peu indépendants. On aborde là un sujet très important: l'indépendance. C'est la plus grande et la plus bénéfique des qualités humaines. Mais bien souvent, comme tant d'autres, ce mot possède pour certains une connotation négative. Indépendance ne veut pas dire individualisme! Prendre une indépendance par rapport à quelqu'un ou quelque chose, c'est prendre un certain recul par rapport à cela et ainsi profiter de sa propre autonomie. Etre autonome. C'est ce qu'on nous enseigne depuis l'école primaire: "Apprenez à être autonomes! Il n'y a que de cette manière que vous saurez travailler efficacement plus tard!". Probablement. Mais être autonome, alors, qu'est-ce que cela signifie?

Etre autonome, c'est prendre la liberté d'agir selon son propre jugement. Il suffirait donc d'avoir suffisamment confiance en soi et en son esprit d'analyse pour s'affranchir des pensées collectives, des lois, formelles ou tacites. La liberté d'agir, en écoute de sa seule conscience, de son seul esprit, de son seul coeur aussi. Car oui, s'il est relativement aisé de penser de manière libre, il est plus difficile de réagir, en quelque sorte d'extérioriser une émotion tout aussi librement, mais c'est possible. La peur empêche cette liberté. La peur du jugement, la peur du rejet, ou simplement la peur de franchir le pas. La peur, lorsqu'elle est vécue de cette manière, nous bloque, nous empêche d'avancer. Cette peur-là n'amène rien de constructif. C'est cette peur qui paralyse l'amoureux qui n'ose pas le dire, le chômeur qui n'ose pas téléphoner, celle qui nous fait redouter même la personne avec qui on se sent le mieux... Cette redoute vient surtout du doute, le doute de soi, le doute de la pensée de l'autre, de ses sentiments. En s'affranchissant de ce doute, inutile, on s'affranchit alors de la peur, de la dépendance, et ainsi arrive-t-on peut-être à une liberté de pensée et d'action...

Alors, revenons un peu à l'opposition de l'anonymat des villes et de la notoriété des villages... Cette opposition ne vous semble-t-elle pas un peu stéréotypée, tout compte fait? L'anonymat ou la notoriété ne sont-ils pas après tout de simples choix de vie, choix qui devraient être des plus indépendants?! L'indépendance, l'autonomie, la liberté, ne réside pas dans le fait d'entrer ou non dans une boulangerie, mais bien dans le fait d'y acheter quelque chose ou non; dans le fait de publier sa vie sur internet où n'importe qui pourra lire cette autobiographie en direct, ou non; dans le fait de lire ce texte ou non...

25 mai 2009

Elémentaire, mon cher...


Chaleureux comme...

Photo faite le 25 avril 2009


Puissance incontestée, chaleur réconfortante, beauté hypnotisante...
L'élément fascine depuis la nuit des temps,
Nous charmant, le temps d'une nuit.
Impalpable, insaisissable, élément de toutes les métaphores
Guide des premiers marins égarés, le feu, cet animal mythique
Que les (H)ommes ont tenté de domestiquer.
Il a subi le même sort que le loup, tantôt effrayant,
Tantôt utilitaire, il est devenu le "meilleur ami de l'Homme".
Peut-être n'est-ce que par besoin?
Que serait l'Humanité sans cette énergie fascinante?


Feu des passions, feu des destructions, feu des morts.
Tantôt frêle bougie, tantôt production sanguinolante des entrailles de la Terre,
Tantôt expression d'un amour soudain, tantôt ordre mortel,
La conclusion reste identique: tout ce qui en demeure est de l'ordre de l'espoir.


La petite flamme de la bougie, rassurante par sa fragilité,
Appelle à la méditation, à la remise en question, et fait fuire les ténèbres.
Le volcan crachant tout son sang destructeur
Apporte les forêts verdoyantes et l'épanouissement de la faune.
La passion, rouge de roses et de coeurs, porteuse d'espoirs nouveaux
Fera-t-elle peut-être naître un amour plus intérieur?
Faire feu, ordre des plus désastreux qui soit,
Rappelle la proximité quotidienne de la mort.
Mais qu'adviendrait-il de l'intensité de la vie,
Sans ce voisinage qui semble si menaçant?
Elle a piètre figure, la menace,

Elle seule représentant la seule certitude avérée.

Notre peur réside en notre absence de connaissance quant au quand.
L'inconnu fait peur, le connu ne rassure pas pour autant,
Alors pourquoi s'effrayer?
Dégustons simplement la Vie, comme elle se présente, de jour en jour!
L'instant présent est si merveilleux et plein de surprises
Qu'il serait triste de le gâcher par des craintes d'un futur imaginaire
Qu'il serait triste de le gâcher par la crainte de l'exhumation des mauvaises expériences passées...


La Vie est comme on la fait,
Sachons apprendre à avoir du talent!
Et mangeons-la à pleines dents,
Accumulons les bonnes expériences et les bons souvenirs
A la manière du feu qui ne fait que s'embellir par l'ajout de bois!
Tout cela afin d'affronter avec courage et beauté le petit coup de vent qui pourrait éteindre la frêle bougie...

26 avril 2009

Une fin, un commencement?


Coucher de soleil

Photo faite le 24 avril 2009


Les couchers de soleil, n'est-ce pas magnifique? Il doit y avoir aujourd'hui autant de clichés de couchers de soleil que de personnes dans le monde, et pourtant, les gens les aiment toujours autant... Qu'est-ce qui fait donc cette beauté, cette magie? Quel est l'élément qui plaît tant que ça? Peut-être est-ce un ensemble d'éléments... Analysons.

Un coucher de soleil, c'est d'abord une opposition entre les couleurs flamboyantes de notre étoile déjà presque disparue derrière l'horizon et les ténèbres de ce qui nous entoure, bien souvent à contre-jour. C'est aussi la beauté des arrangements des nuages, jouant avec la lumière pour mettre en pleine valeur toutes leurs formes. Un beau coucher de soleil, c'est celui qui nous fait imaginer un moment romantique, un moment de plénitude ou simplement de paix et de calme. Le tourment des nuages entrelacés fait place, grâce à la lumière chaleureuse du soleil couchant, à une douceur et une chaleur paisibles. Parfois même, on se prend à rêver des heures durant devant ce spectacle, rêverie que l'on ne se permettrait pas si ce bienfaisant prétexte n'existait pas... C'est peut-être tout ceci qui rend un coucher de soleil si beau, si apprécié de la plupart d'entre nous...

Ce que nous avons parfois tendance à oublier, c'est que ces nuages et leurs rondeurs si travaillées se sont formés durant toute une journée. La couleur embrasée de ce soleil que nous admirons vient de l'humidité que ses rayons doivent traverser pour arriver jusqu'à nous, humidité qui résulte elle aussi de toute une journée, peut-être même plus! L'arbre que l'on peut voir se peindre sur cette toile de fond, a grandi, lui, pendant des années, avant de nous offrir aujourd'hui ce spectacle. La photo, elle, a pris 15 secondes au photographe...

L'Homme a toujours beaucoup aimé le résultat, la fin du travail, du voyage, peut-être même de la vie elle-même. Combien de personnes attendent de réaliser leurs rêves pour pouvoir se dire: "maintenant, je peux mourir en paix"? Combien d'entre nous préfèrent voyager en avion, pour arriver le plus vite possible à destination? Combien d'entre nous perdent leur santé au travail, parce que leur employeur ne s'intéresse qu'au résultat final?

Aujourd'hui, la fin a pris une énorme importance, c'est presque complètement devenu l'objectif ultime de toute action humaine. Et qu'est devenu le rôle du vent qui façonne les nuages, le rôle de l'eau, de la terre, de l'air, qui ont fait grandir cet arbre que l'on admire? Qu'est devenue aujourd'hui l'attention que l'on devrait porter au cheminement permettant d'arriver au résultat? Avons-nous encore conscience que, lorsque nous voyageons, nous nous déplaçons?

La société nous a appris que l'arrivée était plus valeureuse que le chemin pour y arriver. Mais essayons de prendre conscience de ce qui nous entoure, simplement. Comment ensuite penser que l'arbre qui est là devant nous a toujours été là, a toujours eu cette apparence? Comment ensuite penser que le concert que nous écoutons ne vit que là, maintenant, et qu'il ne s'est rien passé avant? C'est cette richesse qui s'accumule le long du chemin, au fil des rencontres, des connaissances, qui nous permet d'arriver à destination et d'avoir le droit de dire: "je me suis enrichi". Et c'est cette richesse qui permet aussi de véritablement déguster à chaque instant la beauté qui nous entoure. C'est ce que j'appelle la sagesse.

31 mars 2009

L'Homme, perdu dans son esprit...


Souvenirs...

Photo faite le 27 mars 2009


Comment vivre le présent, sans automatiquement penser au passé ou au futur? Certaines civilisations y arrivent, notre société les nomme "primitives"... Est-ce une si grande vertu, que d'avoir cette notion du passé ou du futur? Peut-être est-ce devenu une évidence à nos yeux, on pourrait même appeler cela une nécessité. Admettons. Je me pose alors la question suivante: que faire de ses souvenirs, quand on vit le présent? Que faire de ses projets, si l'on veut vivre pleinement ce présent? Parfois, on est comme bloqué, par peur. La peur ne peut venir que d'une expérience précédente, que l'on veut éviter de voir se reproduire. Peut-être pas uniquement. Pourquoi un sujet tel que la mort, par exemple, met si mal à l'aise la plupart des gens? La peur vient aussi de ce qui n'est pas connu.

Alors, si nous avons peur de notre passé, peur qu'il nous rattrape et que cette fameuse histoire insupportable recommence, et si nous avons peur de notre futur, que nous ne connaissons pas encore, dont nous doutons, comment vivre? Je vous le demande, comment faisons-nous pour vivre?! Nous sommes donc sans cesse tiraillés entre la peur du passé et celle du futur?

Heureusement, non. Ou du moins, pas tout le temps. Parfois, une occasion se présente où une personne en qui vous placez toute votre confiance vous permet de peut-être vous libérer de tous ces souvenirs qui jaillissent sans cesse dans votre esprit. Parfois, quelqu'un qui est "déjà passé par-là" vous raconte comment ça c'est passé pour lui. Tout à coup, l'inconnu si effroyable auparavant n'est plus si inconnu. Et parfois, le présent est tout simplement si beau qu'il n'est pas possible de ne pas apprécier, déguster ce moment, spontanément.

Il paraît qu'il suffit d'être attentif, et ces moments si délectables se présenteront plus souvent à nos yeux. Il paraît aussi qu'il suffit de donner, d'aimer.

J'ai intitulé cette photo du mois "Souvenirs...", pour une seule raison. Mes souvenirs se sont trop souvent transformés en blocages, en peurs, en mélancolie, si fidèle compagne de la tristesse... Ces souvenirs ont bien plus souvent apporté l'interrogation, l'incompréhension et la déception qu'ils n'ont apporté de réponses positives à une quelconque situation nouvelle. Et pourtant... Il faut continuer à avancer, savoir se libérer de ces boulets que l'on peut traîner derrière soi toute sa vie. On sait qu'il faut encore croire en l'avenir, ou plutôt en un avenir qui ne soit au moins pas pire que la situation présente. On sait qu'il faut se battre, résister à nos préjugés, et accepter notre histoire, telle qu'elle est.

N'empêche... Nombreux sont ceux d'entre nous qui pourraient confirmer à quel point c'est difficile. A quel point il est difficile de supporter le visage de celui qui nous a trahi. A quel point il est difficile de se relancer dans une relation après avoir été littéralement démoli... A quel point il est difficile de croire en cet avenir prometteur et promis, alors que le présent est si frustrant.

L'être humain a inventé le temps. Il a commencé ce jour-là à se questionner et à réfléchir sur sa propre existence. Depuis ce jour, il a commencé à inventer toutes sortes de sentiments qui n'existaient pas auparavant: la peur de l'avenir, de la mort, il a inventé aussi la culpabilité, la punition ou la récompense... Où s'est arrêté son flot d'inventions? L'amour, Dieu, l'homosexualité, l'argent, la xénophobie, tout ce qui peut faire partie d'un humain n'est en fait qu'une illusion? Une pure invention de l'Homme? Ne sont-ce pas là que des concepts, des idées? Ces idées ne sont donc pas réelles?

Un jour, l'Homme inventa la question. Et il espère, depuis ce jour, trouver des réponses au moyen du même outil que celui qui lui a permis de se poser la question... Il espère en plus trouver la réponse à l'endroit-même où est née la question...

28 février 2009

Mes amis, mes amours, mes emmerdes...


Fuir?

Photo faite le 29 septembre 2007


Combien de temps t'ai-je attendue? Je ne m'en rappelle même plus. Peut-être depuis le commencement de ma vie? Mais au fond... quand a-t-elle vraiment commencé?! Ces anniversaires que l'on aligne fièrement m'ont toujours fait gentiment sourire. Très honnêtement, cela fait bien des années que je t'attends, que je te guette, que tu te laisses apercevoir ça et là, que tu veux bien m'accorder avec ta parcimonie légendaire un peu de ton temps.

Cette partie de cache-cache entre nous me rend fou; tu sembles si placide, si peu touchée par cette distance qui nous sépare encore, comme si toi tu pouvais attendre l'éternité... Et pourtant, il suffirait que je fasse un pas, un seul, pour que tu me montres à quel point tu es disponible. Est-ce sérieusement vrai? Ou n'est-ce qu'un de ces faux espoirs qui vient s'ajouter à tous ceux que tu m'as déjà envoyés?! Comment savoir? Tant de fois j'ai tenté de t'atteindre, parfois avec succès, et tant de fois tu me files entre les mains comme le sable trop fin d'une plage déserte. Comment croire en cette alliance que j'espère tant, après ces déceptions qui s'alignent les unes derrière les autres, invariablement?

Parfois, oh oui, parfois tu me laisses t'approcher, t'effleurer du bout des doigts, mais toujours tu t'es envolée, me laissant seul parmi cette foule de créatures qu'on dit humaines... Peut-être est-ce par peur, que tu t'en vas? Ou peut-être dois-je encore acquérir un peu d'expérience avant de pouvoir de côtoyer sérieusement? Peut-être ai-je encore une quantité d'apprentissages à assimiler, avant de pouvoir vraiment croire en ce "nous" qui m'obsède presque? Peut-être...

Tu as toujours été mon amie la plus fidèle, tu ne m'as jamais abandonné dans les moments pénibles, où il faut affronter toute la vulgarité, l'hypocrisie et toute la méchanceté de ce monde. Et tu m'as laissé découvrir aussi toutes les beautés existant en ce monde, tu m'as laissé m'approcher d'autres amis, tu m'as laissé construire ma vie à ma façon, parfois en t'éclipsant tellement loin de moi que j'avais de la peine à encore t'apercevoir. On pourrait croire que nous sommes "faits l'un pour l'autre", n'est-ce pas, ma chère Solitude?

Eh bien je te remercie de me laisser découvrir non seulement la dureté du monde, mais aussi une bonne partie de toute sa beauté. Merci de me laisser parfois abandonner ma quête envers toi, pour que je puisse voir toutes ces choses qui rendent si heureux. Certes, d'une autre manière qu'avec toi, mais d'une manière tout aussi passionnée et passionnante.

Peut-être que si tu ne viens pas, j'irai à toi un jour, peut-être...

30 janvier 2009

Reflets dans l'eau


Eaux troubles, eaux dormantes...

Photo faite le 23 janvier 2009


Un jour, un lac peut ressembler à un miroir, un exemple de platitude et de calme, un havre de paix. Un lieu tranquille et reposant, propice à la méditation, aux ébats nuptiaux de deux badauds emplumés... Le lac peut, ce jour de tranquillité, offrir ses perches au pêcheur et son escorte volante et... voleuse. Le lac est prêt à accorder ses nombreuses petites criques au promeneur silencieux et observateur ou au petit garçon perdu dans un monde de cabanes et d'aventures. Le lac peut révéler aussi toute sa beauté propre en reflétant sur lui-même ces couchers de soleil qui laissent rêveur... Son éclat nous éblouit peut-être alors, mais en posant notre regard sur les yeux émerveillés de la personne qui nous accompagne, et en sentant que ce même émerveillement nous habite tous les deux, l'éblouissement initial se transforme tout à coup en une petite étincelle qui brille tout au fond de l'esprit, témoin d'une rêverie lointaine et paisible.

Un jour, ce même lac "fait le gros dos". Il ne facilite plus l'accès à ses rives, tellement agité par le vent qui le tourmente. Les eaux dormantes se sont bien vite réveillées, le miroir s'est brisé pour laisser place aux arêtes incisives des flots tumultueux. On passe de la plaine aux pics alpins en très peu de temps. Le sac et le ressac des eaux gronde, les vagues s'abattent de toute leur force sur les rochers du port, le vent hurle, malmenant les bateaux cramponnés à leurs amarres. Le ciel se couvre, le soleil disparaît, les reflets qui nous émerveillaient et nous faisaient rêver doucement ont disparu, laissant à présent se déchaîner la colère et la furie de la nature. Les perches se sont dissimulées, le pêcheur répare ses filets, en attendant que le grain soit passé, et que les éléments retrouvent leur calme.

Qu'en est-il de son escorte si soudée dès qu'une sortie se préparait? Le groupe de mouettes si fidèles auparavant, semble, en ce jour de tumulte, complètement éclaté. Certaines bien blotties dans leur nid, d'autres à l'affût d'un repas facilement trouvé, devant la porte de leur "ami" pêcheur. D'autres encore, une minorité, partent à l'assaut des vents, leur lançant défi sur défi, jouant les acrobates des airs le temps d'une bourrasque. Les jeunes paufinent leur vol plané et leurs loopings, les moins jeunes se délectent des sensations grisantes du vol stationnaire qui donne pourtant une impression de plongé en piqué, tant l'ardeur de ce vent à vouloir donner un coup de balai est impressionnante.

Et pourtant... comment ne pas rester rêveur devant un tel spectacle? Comment ne pas s'imaginer être un de ces rayons qui perce ce voile si épais qu'on aurait pu se croire en pleine nuit? Comment ne pas se prendre pour cette mouette qui joue avec ce vent qui se déchaîne, qui s'amuse au milieu du désarroi et de la terreur semée par ce souffle puissant? Ou alors préfère-t-on se résigner, comme le pêcheur, contraint d'attendre pour pouvoir sortir sa barque? Ne se prendrait-on pas facilement au jeu de la mouette qui attend le pêcheur pour à nouveau espérer un petit casse-croûte bienvenu? Ou alors, on peut aussi se surprendre à rêver d'être ce lac, parfois si paisible, offrant son aide à tous ceux qui veulent bien s'en approcher... et parfois tout de même s'agiter un peu, histoire de rappeler qui fait la loi, histoire aussi de remettre à leur place tous ces prétentieux qui ont osé prendre pour acquis tout ce que le lac voulait bien leur offrir.

A chacun de rêver ou d'être un de ces éléments qui composent un tableau admirable. Chacun doit en effet trouver sa place dans un monde parfois paisible, accueillant, et parfois hostile et peut-être même repoussant. Il est des personnes plutôt taillées comme les rochers du port, qui résistent à tout, qui savent faire face à n'importe quelle situation, aussi dure soit-elle. Il est de ces personnes qui se résignent, comme le pêcheur. D'autres s'amusent des situations prétendument difficiles, à la manière des mouettes acrobates. Il est de ces personnes qui amènent le rayon de soleil admiré et attendu par tous, et il est aussi de ces personnes qui ajoutent un cumulus ou un mètre de creux dans les vagues, juste pour le plaisir du photographe...

A chacun sa manière de voir les moments calmes ou tumultueux. A chacun sa manière d'y réagir. Et chacun de nous joue un rôle primordial dans le grand tableau final que le photographe opportuniste ou le peintre patient sauront peut-être nous décrire, avec leurs mots, à leur manière.