31 janvier 2010

Tant pis


Les traces accumulées d'un temps passé...

Photo faite le 26 janvier 2009 (tirée d'Internet)


Il est des choses qui méritent qu'on s'y attarde. Prenons un exemple: un instituteur bien connu de moi me racontait il y a peu de temps sa passion: son métier. Chaque jour, avec ses élèves, il réinvente son métier, chaque jour, hors de sa classe, il réfléchit à amener quelque chose de nouveau aux enfants. Il me racontait sa balade dominicale, durant laquelle il s'est amusé des mots composés soudain d'un son bien distinct de la langue française, et en principe d'une seule consonne. Ainsi, le pain, le paon, le pan, le pis, la peau, le pot, le pas, le pet, la paix, le poing, le poux, le pus, le pont, l'ont accompagné rêveusement lors de sa promenade. Le lendemain, il n'est pas difficile d'imaginer avec quelle facilité et quelle curiosité les enfants ont découvert les sons composant notre langue. C'est tellement plus intéressant, le temps passe si vite, pas le temps de s'ennuyer!


Ne pas avoir le temps de s'ennuyer, voilà bien une expression que l'on connaît depuis bien longtemps. Ce type d'expressions est devenu si présent dans notre quotidien, que c'en est presque devenu une manière de vivre: allons vite aux toilettes, vite faire quelques courses, vite ceci, vite cela... Un capitalisme industriel, une société consommatrice à outrance en ont résulté, provoquant les dégâts que plus personne n'ignore aujourd'hui. L'inconvénient, c'est que non seulement cette manière de vivre nuit à notre environnement, notre espace vital, mais touche aussi au psychique. Cet art de vivre à toute allure, de jongler avec le temps, nous l'avons si bien dompté que nous avons parfois de la peine à lever le pied, regarder dans le rétroviseur, et nous remettre en question. Parce que cela demande un effort, que de freiner, la plupart d'entre nous préfère éviter l'obstacle de justesse plutôt que risquer de briser la moyenne.


Est-ce donc si nécessaire de savoir s'arrêter? Lorsque l'on fonce, tête baissée, on n'a pas le temps de tergiverser, on s'abrutit de travail, c'est moins courageux et moins difficile que d'affronter le regard effaré de ceux qui peuvent encore nous suivre un petit bout, un regard parfois interrogateur, le plus souvent égaré, ne sachant pas où se dirige cette personne que l'on tente désespérément de protéger du mur que l'on voit s'approcher à pas de géant, que l'autre n'aperçoit pas. Savoir s'arrêter, reprendre son souffle, lever les yeux pour se repérer, peut-être même discuter des options pour le chemin à suivre pour la prochaine étape, ne sont pas des compétences nécessaires, elles sont simplement vitales.


Malheureusement, aujourd'hui, nous n'avons "plus le temps", pire, nous n'avons "pas le temps", comme si nous ne l'avions jamais eu, pour observer ce monde qui nous entoure, que nous blessons au passage par notre comportement de tornade. Il y a des choses qui méritent cependant qu'on s'y attarde, on découvre des trésors dans le langage que l'on emploie quotidiennement, dans le paysage que l'on voit sans regarder, dans l'amour que l'on rencontre sans le vivre. Et puis vient cette impression de vide, comme si quelque chose manquait à cette vie. C'est le premier voyant rouge sur le tableau de bord: si on continue à cette allure, la vitesse, l'énergie grisante du saut en chute libre risque de s'arrêter brutalement, si l'on n'ouvre pas le parachute à temps. Prenons le temps de ralentir, de réfléchir à la situation, et peut-être même serait-il possible d'avoir le temps de choisir un point d'atterrissage plus agréable que celui qui nous était destiné losque l'on chutait, à la vitesse et avec la trajectoire d'une météorite lancée depuis l'infini.


Asseyons-nous, écoutons l'instituteur, lui qui nous raconte comment il "perd son temps" à chercher comment le faire passer plus vite à ses élèves, si impatients soient-ils. C'est son défi, car à cet âge, le temps qui passe moins vite est ennuyeux. Et le temps ennuyeux n'apprend plus rien. Heureusement, en grandissant, avec la maturité qui se développe, ce raisonnement change du tout au tout... N'est-ce pas?!

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