27 décembre 2010

La Venoge



On a tous une part de Vaudois en nous, non?!

Photo réalisée le 28 octobre 2010


Voilà pour ce mois-ci un si beau poème de Jean Villard-Gilles que tout le monde connaît – ou en tout cas, le devrait... – sur le bout des doigts! Je vous laisse en profiter pleinement, en vous souhaitant une très belle fin d'année, et une très heureuse nouvelle année!!!



On a un bien joli canton :
des veaux, des vaches, des moutons,
du chamois, du brochet, du cygne ;
des lacs, des vergers, des forêts,
même un glacier, aux Diablerets ;
du tabac, du blé, de la vigne,
mais jaloux, un bon Genevois
m’a dit, d’un petit air narquois :
– Permettez qu’on vous interroge :
Où sont vos fleuves, franchement ?
Il oubliait tout simplement
la Venoge !


Un fleuve ? En tout cas, c’est de l’eau
qui coule à un joli niveau.
Bien sûr, c’est pas le fleuve Jaune
mais c’est à nous, c’est tout vaudois,
tandis que ces bons Genevois
n’ont qu’un tout petit bout du Rhône.
C’est comme : «Il est à nous le Rhin !»
ce chant d’un peuple souverain,
c’est tout faux ! car le Rhin déloge,
il file en France, aux Pays-Bas,
tandis qu’elle, elle reste là,
la Venoge !


Faut un rude effort entre nous
pour la suivre de bout en bout ;
tout de suite on se décourage,
car, au lieu de prendre au plus court,
elle fait de puissants détours,
loin des pintes, loin des villages.
Elle se plaît à traînasser,
à se gonfler, à s’élancer
– capricieuse comme une horloge –
elle offre même à ses badauds
des visions de Colorado !
la Venoge !


En plus modeste évidemment.
Elle offre aussi des coins charmants,
des replats, pour le pique-nique.
Et puis, la voilà tout à coup
qui se met à fair’ des remous
comme une folle entre deux criques,
rapport aux truites qu’un pêcheur
guette, attentif, dans la chaleur,
d’un œil noir comme un œil de doge.
Elle court avec des frissons.
Ça la chatouille, ces poissons,
la Venoge !


Elle est née au pied du Jura,
mais, en passant par La Sarraz,
elle a su, battant la campagne,
qu’un rien de plus, cré nom de sort !
elle était sur le versant nord !
grand départ pour les Allemagnes !
Elle a compris ! Elle a eu peur !
Quand elle a vu l’Orbe, sa sœur
– elle était aux premières loges –
filer tout droit sur Yverdon
vers Olten, elle a dit : «Pardon !»
la Venoge !


«Le Nord, c’est un peu froid pour moi.
J’aime mieux mon soleil vaudois
et puis, entre nous : je fréquente !»
La voilà qui prend son élan
en se tortillant joliment,
il n’y a qu’à suivre la pente,
mais la route est longue, elle a chaud.
Quand elle arrive, elle est en eau
– face aux pays des Allobroges –
pour se fondre amoureusement
entre les bras du bleu Léman,
la Venoge !


Pour conclure, il est évident
qu’elle est vaudoise cent pour cent !
Tranquille et pas bien décidée.
Elle tient le juste milieu,
elle dit : «Qui ne peut ne peut !»
mais elle fait à son idée.
Et certains, mettant dans leur vin
de l’eau, elle regrette bien
– c’est, ma foi, tout à son éloge –
que ce bon vieux canton de Vaud
n’ait pas mis du vin dans son eau…
la Venoge !


Jean Villars-Gilles, Port-Manech, juillet 1954

28 novembre 2010

Petites pensées



Traces

Photo réalisée le 28 novembre 2010


"L'amour, ça fait souffrir."
"L'amour, c'est chiant et ça ennuie tout le monde."
"Les gens qui s'aiment sont aveugles, et parfois même sourds."
"De toute façon, personne ne voudrait de quelqu'un comme moi, je le sais déjà."

"L'amour est une force."

N'avez-vous jamais entendu ce genre de réflexions? J'aime beaucoup les trois premiers exemples de ce que j'entends parfois, parce qu'ils ne sont pas faux. Mais ce que j'aime surtout c'est leur ton affirmatif le plus indubitable qu'emploient ceux qui prononcent ces phrases. Cette manière de parler qui me fait sourire doucement évoque une certaine assurance, une soit-disant compréhension ultime et inattacable de ce qu'un couple représente.

Et puis, il y a le quatrième exemple, déjà plus touchant, plus personnel, plus désespéré aussi. C'est la phrase que l'on entend de la jeune fille qui doute d'elle-même, et qui pourtant s'applique à devenir séduisante, qui aimerait qu'on la regarde, ne serait-ce qu'un instant, un regard discret, un petit sourire de ce garçon, là-bas, si inaccessible... Juste un petit clin d'oeil, ce n'est vraiment pas si difficile... Et, résignée, elle se plaît tout compte fait aussi très bien, avec ses amies. Elles discutent de tout et de rien, et dans tout ce rien, on peut déceler ici ou là une petite allusion discrète à ce garçon...

Et puis, comme un coup de guillotine, "l'amour est une force". La phrase tombe, l'affirmation tranche avec tout le reste des complaintes et des éventuelles moqueries, les mots sont frappants de leur profondeur pourtant si simple. L'amour est une force, une force qui permet d'avancer, d'évoluer, d'apprendre, et parfois même de se soulever de notre bon vieux plancher. L'amour pour une personne, oui, mais aussi l'amour que l'on porte pour son chat, que l'on est heureux de retrouver le soir après une longue journée harassante. Ce petit animal redonne un petit coup d'énergie, on joue avec lui pendant un instant, on lui raconte nos petites peines parfois. Il y a l'amour que l'on porte à nos familles, et celui que nous en recevons en retour. Cet amour-là fortifie, lui aussi, il permet d'oublier un moment la solitude de notre studio, quand on revient de temps en temps "à la maison".

C'est un amour différent de celui dont parlent les quatre premiers exemples, que j'évoque ici. Bien sûr, il contient celui des amoureux, mais celui dont je veux parler maintenant est plus général, c'est ce sentiment que l'on a encore au fond du coeur en retrouvant de vieilles photos d'un amour qu'on croyait avoir oublié. Tout à coup, l'image de ce garçon est à nouveau très claire, il est là, juste là devant nos yeux. Ce grand-père qu'on avait tant aimé, qui nous faisait rire tout le temps, qui nous racontait des histoires le soir... Cette amie qui était si proche de nous, cette amie avec qui l'on partageait absolument tout, cette amie qui n'en était plus une tant on l'aimait, qu'est-elle devenue aujourd'hui? Où se trouvent maintenant ce garçon qui nous faisait rêver, ce grand-père, la première amoureuse, ou notre petit chat qui est parti un beau jour sans dire au revoir?

Heureusement, même si ces relations se terminent physiquement parfois sans un bruit, souvent beaucoup plus discrètement qu'elles ne sont apparues, elles ne se terminent que physiquement. Les souvenirs, les petites lettres qu'on aurait gardées, les dessins ou les photos témoignent de ce qui s'est réellement passé, pour nous prouver qu'on n'invente pas complètement ces souvenirs, pour nous démontrer que tout ceci s'est véritablement passé, et qu'on n'a pas de regret à avoir. Car, aussi petite soit-elle, aussi légère que celle d'une patte de velours, tout être qui nous entoure ou qui nous a entouré une fois, laisse derrière lui une trace. A nous de ne pas perdre de vue ces petites traces marquées dans la neige, pour tenter, peut-être, avant qu'il n'y ait plus de neige du tout, de retrouver la personne que nous avions aimée, et qui, d'une façon ou d'une autre, reste gravée ici, tout au fond de cette mémoire émotionnelle qui nous serre la gorge de temps en temps...

28 octobre 2010

Changements climatiques


"The fall"

Photo réalisée le 28 octobre 2010


J'ai toujours aimé les liens que l'on peut faire entre une langue et une autre, comme pour cette traduction que je trouve particulièrement pertinente. Non seulement au-delà de la première image qui vient à l'esprit, l'automne évoque pour moi bien plus que les feuilles qui tombent, il annonce l'arrivée du grand froid, celui que j'aime tant. Et puis, sans regarder aussi loin, l'automne est la saison un peu mystérieuse qui laisse deviner un magnifique lever de soleil le matin entre les brumes qui flottent au-dessus des cultures de plus en plus rares. La terre à vif laisse entrevoir son côté le plus sombre, mais elle sait que bientôt elle sera recouverte du manteau blanc, immaculé, que l'on prend pour symbole de la pureté... Autour des lacs, les oiseaux prennent leur envol, pas tous, mais cela se prépare. Là encore, une jolie expression cette fois allemande qui taduit bien l'état de stress et de suractivité qui prépare les oiseaux au départ: on appelle cette période "Zugunruhe".

Il y a bien assez de textes qui vous parleront de l'automne, certains en feront l'apologie, d'autres son Requiem. Alors pourquoi je vous en parle moi aussi? J'ai envie de vous parler d'un autre automne, aujourd'hui. Je voudrais vous parler de celui que je perçois au fond de certaines personnes, et que peut-être, si on cherche bien, nous ressentons tous un jour ou l'autre dans nos âmes. Je voudrais parler du changement climatique inversé de notre société. En effet, pendant que la Terre se réchauffe, les Hommes qui la peuplent se refroidissent, se raidissent, se plongent dans une solitude polaire, un anonymat grandissant qui les rassure. Un anonymat citadin que j'aime bien comparer à notre planète, perdue au milieu de milliards d'autres planètes et étoiles, dont nous connaissons à peine le nom, et auprès desquelles nous sommes bien incapables de nous rendre... Et si nous voyons d'autres étoiles exploser, c'est bien souvent avec un retard de plusieurs années-lumières. Mais nous continuons à les observer, ces étoiles qui meurent autour de nous, en nous disant qu'en fin de compte, on ne peut pas faire grand-chose, ne serait-ce que même pour nous-mêmes.

Mais ces étoiles qui meurent sous nos yeux sont à l'automne de leur vie. C'est un éclat de lumière d'une beauté époustouflante, un nuage de feux d'artifice gigantesque, suspendu dans le vide pendant des centaines, des milliers d'années. Ces étoiles mourantes nous offrent le spectacle auquel les arbres se livrent chaque année. Là encore, l'Homme est à l'envers de son univers: la nature est si belle quand elle meurt! Comme si, jusqu'à son dernier souffle, elle voulait nous offrir ce qu'elle a de plus majestueux, elle se pare de toutes ses couleurs, de tous ses éclats, pour le seul plaisir de quelque observateur sensible à son message. Peut-être que son dernier souhait aurait été qu'on s'émerveille devant elle, plutôt que de générer de la tristesse. Alors que trop souvent, nous la méprisons ou ne la remarquons même pas, à force de peut-être l'éviter, elle s'efforce avec tous les moyens qu'elle a, de nous toucher.

Peut-être y arrivera-t-elle un jour, à nous toucher. Ce qui est étonnant, c'est que le toucher chez l'Humain est le seul sens qu'il ne peut pas museler: il est en effet facile de fermer les yeux, la bouche, le nez ou de boucher les oreilles... Impossible de le faire pour le toucher: même avec des gants, on a une sensation sur la peau! Nous sommes donc incapables de ne pas être touché au sens propre, mais il est un autre organe beaucoup plus difficile à atteindre chez nous: le coeur. La musique que l'on compose souvent de nos jours en est le plus flagrant exemple: elle ne vise plus le coeur, avec des harmonies douces, calmantes ou ennivrantes, mais on essaie de toucher aujourd'hui plus bas, aux tripes. C'est une musique qui crée un sentiment, certes, mais un sentiment de mal-être tel qu'on en ressort comme d'un mauvais film: vide. Comme si rien ne s'était passé. Ou plutôt, vidé, comme si au contraire on avait puisé chez nous toute l'énergie disponible au lieu de nous en recharger. Heureusement, il y a des exceptions, il existe encore quelques compositeurs contemporains qui savent être touchés, et qui, à leur tour, arrivent à toucher le coeur de leurs auditeurs d'une manière si profonde qu'on en reste marqué pendant très longtemps, peut-être toute une vie.

La musique est peut-être l'une des dernières activités de l'Homme qui prouve son goût potentiel pour les fins dignes des plus beaux printemps, car lorsque la pièce s'achève, c'est là qu'on y met une touche finale, le dernier sprint avant la ligne, le dernier coup de rein avant de capituler, les plus belles lumières, les plus beaux accords avant de laisser place au silence. Ce silence de l'hiver, celui qui repose l'âme, celui qui répare le coeur avant d'attaquer un nouveau pintemps plein de vigueur. Ce silence qui fait partie intégrante d'une pièce de musique que nous interprétons sans relâche, tous les jours, car c'est ce silence final que nous ne savons pas mettre en place, que nous n'écrivons presque jamais à la fin de notre partition, c'est ce silence dont nous ne connaissons en fin de compte pas plus que son nom, qui nous effraie et que nous évitons jusqu'à ce que nous ayons vidé nos dernières forces dans ce combat contre nous-mêmes.

C'est alors que le morceau s'arrête. Mais en est-ce réellement la fin?

30 septembre 2010

Histoire d'hérisson


Einsamkeit


Photo réalisée le 18 juillet 2010



J'ai pris cette photo après un week-end de colonie, avec des enfants. Cette image représentait pour moi extrêmement bien le sentiment qui somnolait en moi à ce moment-là: une impression de vide, de manque, un sentiment qui s'apparente aisément à celui que l'on ressent lorsqu'on est seul, lorsqu'on se sent seul. J'ai beaucoup d'amis qui ont pris la décision, après leur maturité ou avant d'autres écoles, de partir à l'étranger, apprendre une langue ou simplement changer d'atmosphère. D'autres encore sont partis en sachant que cela durera plus qu'une année, ils sont partis pour apprendre ce qu'ils ne pouvaient pas apprendre près de chez eux. Peu importe les raisons et les motivations, ni la durée de ce genre de voyages, le sentiment est toujours identique: on ressent toujours, une fois ou l'autre, ce poids de la solitude. Du moins, c'est peut-être un poids, mais pas pour tous...

Effectivement, celui qui part pour justement retrouver un peu la paix intérieure, le calme absolu, celui-ci se réjouira de cette solitude, de cette absence de paroles futiles et de politesses hypocrites. Et puis, qui d'entre nous n'a jamais rêvé d'une île déserte, d'une banquise à perte de vue, d'une forêt vierge en Amazonie ou d'une plage de sable fin sous les tropiques, juste pour lui? N'a-t-on jamais rêvé, une fois au moins, de tout plaquer, de s'en aller, peu importe où, mais partir, partir loin, laisser tous les problèmes derrière soi? Bien sûr qu'on en rêve. Mais de là à oser faire le pas, à prendre la décision à bras le corps, c'est une autre histoire. Et puis, en quelque sorte, cela nous fait un peu peur aussi. Cette fameuse solitude, qui s'installera certainement, une fois passé le soulagement de la fuite, fait frémir. Car on le sait, si on tarde trop à rentrer, on se retrouvera définitivement seul, face à soi-même. Cela nous fait tellement peur, qu'on préfère encore affronter les plus gros problèmes du moment. Et si on en a peur, c'est qu'au fond de nous, on sait très bien ce que l'on risque de découvrir, une fois confronté à notre conscience, sans rien pour nous en divertir, sans moyen extérieur de l'endormir.

Là encore, il y en a qui s'en sortent, heureusement! Il y en a même qui partent pour justement mettre un peu d'ordre dans cette conscience, qui organisent leur voyage, leur retraite de manière à faciliter encore l'accès à cette conscience, bonne ou mauvaise, ils verront bien ce qui en sortira. J'en ai connu qui savaient que quelque chose ne tournait plus rond dans leur vie, et qui ont un peu espéré que ce voyage qui tombait justement à la bonne période allait les aider à tourner la page. La grande difficulté dans ce genre de solitude recherchée, c'est qu'avant de partir, on espère déjà qu'en revenant, tout ira mieux. En somme, on part en imaginant déjà le retour... Evidemment, ça marche... parfois. Et puis, pour ceux qui ont vraiment fait du chemin intérieur pendant leur séjour loin des habitudes, quelque chose de plus profond se passe. Il y a véritablement une transformation intérieure, et cela fait du bien. On est comme un hérisson, tellement mignon quand il est tout ouvert! On ne ressent aucun danger, on est épanoui, il y a bien sûr quelques petites mésaventures, mais rien qui ne vaille qu'on se roule complètement en boule.

Jusqu'à ce qu'on rentre. Les amis laissés sur place avant le départ, n'ont, eux, pas suivi le même chemin intérieur. Les parents n'ont pas changé la vision de leur enfant, les éventuels prétendants s'attendent à retrouver la même personne qu'avant. Alors forcément, cette personne gardera toujours cette petite révolution qui s'est déroulée en elle-même durant une année, voire plus, mais elle conservera cela comme un petit trésor personnel, comme un album de photos qu'on aime bien, mais que personne ne demande à voir. Alors, petit à petit, on recommence comme avant, on se ferme pour montrer que nous aussi, comme les autres, on a des piques sur le dos, qu'il vaut mieux ne pas trop s'approcher...

Et puis, comme tous les trésors bien cachés, on finit par ne plus retrouver où on les a enterrés. Alors revient l'envie de cette solitude bienveillante, qui nous attendait patiemment depuis la dernière fois. Elle nous guettait du coin de l'oeil, elle savait que plus on l'oublierait, plus vite on retournerait vers elle, paradoxe inéluctable. Mais cette fois sera la bonne, cette fois on saura tirer les apprentissages découlant de cette nouvelle retraite, qui, d'ailleurs, pourra cette fois-ci carrément se passer de distance physique. Cette fois, on a compris comment ça marche, on ne se laissera plus avoir!

Mais au fait, pourquoi cette photo, déjà?!

28 août 2010

Combien pèse un moineau?


Photo réalisée le 3 août 2010


Petites choses...



Il était une fois un petit moineau qui venait d'arriver au monde. C'est le printemps, toute la vie se met en route autour de lui: les arbres se parent de leurs plus belles fleurs, les jeunes feuilles commencent à montrer leur vert éclatant. Le soleil irradie tout de ses rayons chauds. A peine est-il né, que le petit moineau doit apprendre à chanter. C'est un peu difficile au début, j'étais si bien dans ma coquille, se dit-il. Puis, sous l'encouragement de ses parents, le petit oiseau émet ses premiers sons! Alors son chant ne ressemble pas à celui, mélodieux, de son père, mais le petit moineau se donne toute la peine qu'il peut pour imiter au mieux ses parents. Et puis, les jours avancent, il commence à bien maîtriser son chant, il arrive aussi à se nourrir tout seul. Il a essayé de voler comme ses frères et soeurs il y a deux jours, quelle expérience! Ses parents le savent, il sera bientôt prêt à quitter le nid pour se lancer à son tour dans sa vie! Il a tant de choses à découvrir!

Aujourd'hui est un grand jour: c'est le jour du départ. Ses frères et soeurs sont déjà partis, il ne reste plus que lui dans le nid des parents. Un dernier au revoir, et hop! il se lance, sans la moindre peur, rempli de curiosité, arpenter les plus petits coins de la ville! C'est ainsi qu'il fait connaissance avec d'autres jeunes moineaux, qui tout comme lui, découvrent à grandes envolées la vie d'un oiseau. Il rencontre aussi le corbeau, qui l'impressionne drôlement, avec sa cape imposante, toute noire. Il apprend très vite à éviter le gros chat qui s'amuse à l'imiter en sautant derrière lui, mais qui n'a pas l'air de vraiment vouloir jouer...

Et puis, les jours, les mois passent, les beaux temps de l'été touchent à leur fin, les arbres deviennent plus rouges, petit moineau se pare de ses plus belles couleurs rousses. Son chant est parfait, maintenant, et il se dit qu'avec un plumage comme le sien, aucune demoiselle ne pourra lui résister! Mais il se rendra vite compte qu'il n'est qu'adolescent, et qu'il a encore beaucoup de choses à apprendre avant de rencontrer sa belle. Et puis, une chose le préoccupe beaucoup, le froid arrive et commence à se faire ressentir de manière toujours plus mordante...

Aujourd'hui, il y a une chose très froide et blanche comme les plumes de son ventre, qui lui tombe dessus! Il n'a jamais vu ça, mais ça ne lui fait pas trop peur, il voit les autres qui s'amusent comme des petits fous! Il apprendra vite que ça s'appelle: la neige. Quel beau nom pour cette matière qui descend si doucement du ciel et qui recouvre tout en arrondissant tous les angles, de sorte qu'au bout d'un moment, tout paraît uniforme et pur comme les nuages qui se prélassent sur les montagnes pendant tout l'été. Et puis, il se dit que c'est surprenant: les flocons qui tombent ne pèsent rien du tout, alors que lui, qui pèse quand même beaucoup plus lourd, n'éprouve aucune peine à s'envoler et virevolter en tous sens dans les airs. Mais sa réflexion est interrompue brutalement: une grosse quantité de neige vient de lui tomber sur la tête! Après ce petit rafraîchissement, il repense à ces minuscules flocons, qui ne pèsent rien du tout, et qui tout à coup lui tombent sur la tête, presque en l'assommant...

C'est le printemps! Cette fois, les demoiselles ont l'air plus attirées par notre jeune moineau, après cette longue période de froid... Il se pare de ses plus belles couleurs, très vives parmi ce décor lui aussi vif de couleurs! Et, enfin, après plusieurs semaines de roucoulements intenses, il trouve l'amour avec qui il va construire à son tour sa petite famille! Allez hop, pas de temps à perdre, il faut tout de suite construire le nid! Sa compagne l'aide un peu, et surveille aussi le nid, ce serait trop bête que quelqu'un d'autre nous le pique! Et puis, un soir, le nid est fait, ils sont très fatigués tous les deux, et petit moineau lui demande comment un flocon minuscule qui ne pèse rien du tout a pu tout à coup se transformer en une avalanche et le recouvrir complètement. Eh bien, c'est que ce petit flocon qui ne pèse rien du tout s'est accumulé à un autre, puis un autre, et ainsi de suite pendant des dizaines, des centaines, des milliers de fois, et au bout de la 3 122 335 874ème fois, il est encore tombé un minuscule flocon, qui lui aussi ne pesait rien de plus que rien du tout, et ce 3 122 335 875ème flocon a fait que la branche ne pouvait plus soutenir tous les flocons qui s'y étaient accumulés, et elle a cédé.

Ainsi, le petit moineau comprit ce jour-là qu'il ne fallait jamais prendre à la légère même le plus insignifiant des flocons...

31 juillet 2010

J'ai fait un rêve...


Photo réalisée le 21 juillet 2009


J'aurais toujours voulu...



Pompier, styliste, pilote de ligne, astronaute, agent secret, mannequin, actrice, hôtesse de l'air, ... On a tous une fois au moins dans notre vie rêvé d'exercer ce genre de professions. Evidemment, ce sont des métiers qui font rêver, ce sont des métiers stéréotypés pour un homme ou une femme "parfaits"... Ce sont des profils qui plaisent: l'engagement, le côté artistique, le plus classique et l'intellectuel; ce sont des qualités qu'on idéalise un peu au fond de nous-mêmes, des qualités qu'on croit ne pas posséder en nous, puisque nous savons bien que jamais nous ne ferons ce genre d'activités... Et, malheureusement, aujourd'hui, quand on rencontre une personne, on lui demande ce qu'elle fait pour savoir qui elle est. Aujourd'hui, peu importe l'histoire de cet inconnu qui débarque dans ma vie, ce qui compte, c'est sa place actuelle dans le "vrai monde", celui du travail, de la "vie active". Et peut-être, à la quatrième rencontre, pourra-t-on envisager de lui demander ce qu'il prévoit pour son futur.

Tiens, pensons-y, à ce futur: comment vous imaginez-vous, dans 10, 20, 50 ans? Question extrêmement difficile si on veut essayer de trouver la vérité; moi ce genre de questions me fait rire. Il y a tellement de choses qui peuvent changer, que je me prends au jeu, l'imagination faisant voyager beaucoup plus vite que la lumière! Tantôt gardien de phare, sur une île isolée de Bretagne, mais hautement importante pour tous les marins de passage, je serais leur ange gardien en quelque sorte. Tantôt conquérant de la planète Mars, j'emporterais un peu de la poussière du sol pour la montrer à mes enfants! Ou encore, pourquoi pas, engagé dans une ONG, je protégerais les droits et les coutumes traditionnelles d'une communauté amazonienne... Est-ce que tu t'imagines vraiment ça, me demanderez-vous...

Je vous répondrai affirmativement, pour la simple raison que c'est pour moi impossible de savoir ce qui va nous arriver demain. Evidemment, on fait des projets, on se dit en croisant une belle maison que dans 5 ans on la remettra en état avec la personne qu'on aime, on se dit qu'on restera toute sa vie avec cette personne, on espère avoir des enfants avec cette personne, ou, célibataire, on espère à plus court terme trouver l'amour... Et puis, jour après jour, les déchirements entre pays ne cessent, des personnes meurent sans prévenir, des amitiés se remplacent par d'autres, même le chêne de notre enfance finit par tomber. Il ne finit pas de vivre, il sera transformé en une magnifique table où les enfants continueront de dessiner et de jouer. Ce chêne sera transmis de génération en génération, héritage de nos souvenirs en quelque sorte. Mais ce qui étonnera toujours, c'est que seuls les petits enfants auront la curiosité de demander au grand-père d'où vient cette vieille table, pourquoi la garde-t-on depuis si longtemps? Et c'est peut-être une des seules périodes où l'innocence nous permet cette petite rétrospective, car en "grandissant", on a peur de regarder en arrière, peur d'avoir tout à coup un regret ou un remords. Puis, en vieillissant, en sentant l'accomplissement de sa vie, la sagesse arrive et nous dit qu'on a enfin le droit de s'arrêter un instant pour contempler ce que nous avons réalisé. Et ainsi peut-être prévenir les petits enfants de ne pas commettre nos erreurs, et les encourager sur le chemin que nous leur estimons bon.

C'est ainsi que, toute notre vie, nous avançons avec ce petit regret de ne pas avoir osé tenter la formation d'astronaute ou d'actrice. Mais nous avançons néanmoins, modestement, en appréciant le même coucher de soleil que tout le monde. On a simplement un point de vue différent que depuis une navette spatiale ou le haut du phare. Libre à nous ensuite d'éprouver de la beauté là où nous pouvons en capter, libre à nous de nous sentir bien dans cette vie que nous avons choisie, sans penser à être quelqu'un d'autre, mais simplement en étant quelqu'un. Rêver n'a jamais fait de mal à personne; regretter, oui.

28 juin 2010

A contre-courant


Photo réalisée le 28 juin 2010


A contre-courant, la tête à l'envers...



Ce soir, je vais vous raconter l'histoire d'une personne que j'ai connue durant bien des années... Pour être exact: quinze ans. C'est l'histoire d'un garçon peu ordinaire, il faut bien le reconnaître. En effet, même avant de naître, il ne voulait jamais faire comme les autres. Ce que je vous raconte là, c'est ce que ses parents m'ont raconté, car je n'ai de souvenirs de ce garçon que depuis qu'il a déménagé dans mon village. Mais commençons par le début, si vous le voulez bien...

Cet enfant est arrivé dans mon village à l'âge de huit ans. Mais bien avant son arrivée, m'a-t-on raconté, il était déjà très surprenant. Ses parents m'ont expliqué qu'il ne voulait pas venir au monde! Du moins, pas comme la plupart des gens. Non, Monsieur préférait l'intérieur si douillet et agréable du ventre de sa maman. Aussi, en signe de protestation à tous ceux qui prétendaient savoir ce qu'il devait faire, il s'était retourné, comme pour bouder! Mais en plus de cela, il s'était mis dans l'idée que ce serait encore plus efficace de s'enrouler le cordon de survie autour du cou... Oh, rien de dangereux, mais juste assez pour bien embêter ces toubibs à la noix. Bon. Il ne faisait pas le poids face à la machine occidentale. Ce petit bout de choux en fit voir de toutes les couleurs à ses parents, ses grands-parents, même aux voisins, paraît-il! Puis il a grandi, timidement, mais surtout intérieurement.

Un jour, il a déménagé avec ses parents et sa soeur. Ils sont tous venus s'installer dans mon village, et c'est là que je l'ai mieux connu. Tout d'abord, il n'a pas eu la vie facile, il a dû se faire une place parmi ses copains, qui avaient du mal à l'accepter, lui qui venait de si loin. Il aurait dû se battre pour gagner son petit bout de terrain de jeu! Mais au lieu de ça, il préférait discuter un peu avec les filles, il ne jouait pas au foot, comme les autres garçons. Puis, en grandissant, il s'est trouvé un amour, qu'il n'osait pas trop avouer à l'époque. Le coeur de cet adolescent ne battait plus que pour la nature. Pendant que ces camarades bricolaient leur vélomoteur, lui se rendait à vélo dans ces petits coins secrets, au bord de l'eau ou au sommet d'une colline d'où la vue était imprenable. Puis avec le temps, alors qu'il passait pour timide et réservé, il grandissait intérieurement, il devint toujours plus sûr de lui, et fidèle à son amante qui ne l'avait jamais trahi.

En continuant ses études, maintenant jeune homme, il osait mieux affirmer ce qu'il ressentait pour cette nature, et sa différence de caractère se renforçait d'elle-même, à mesure qu'il rencontrait des personnes différentes, il était toujours plus convaincu de sa personnalité, plus aucun doute ne planait. Il devint un songeur très pointu, aucune réflexion n'était laissée de côté. Depuis son plus jeune âge, il était déjà plus grand que tous. Puis la grandeur physique s'égalisant à celle de ses amis, il prit de la distance autrement: il écrivit. C'était un moyen pour lui de garder cette hauteur d'observation qu'il avait sur les choses. Et puis, à force de réfléchir sur l'univers, il oubliait parfois de se poser les questions les plus pragmatiques. C'est ainsi qu'il découvrit l'amour un peu par erreur, la première fois, puis par hasard, la seconde fois. Il apprit, bien à ses dépens d'ailleurs, bien des choses sur ces sentiments qu'il n'avait jamais ressentis auparavant. Le jour où cet amour apparut dans sa vie, tout s'était mis à se démultiplier: il ressentait encore plus fort dans sa poitrine ce besoin d'écrire ses réflexions qui foisonnaient alors, il entendait cet appel de la nature encore plus fort que jamais, il se mit à la musique de manière plus engagée encore, et c'est enfin qu'il commença à communiquer à ses semblables ce qu'il ressentait au plus profond de lui-même.

Mais un excès de confiance en entraînant un autre, naïveté peut-être, cet homme a appris d'une manière qui laisse des traces indélébiles: en faisant des erreurs. Car cet homme-là s'est laissé aveugler par des sentiments qu'il avait déjà rencontrés une fois. Et cet homme-là, qui se prenait pour un grand philosophe et qui se sentait, pour la première fois de sa vie, proche de tant d'amis, est retombé de haut. En l'espace de très peu de temps, il est redescendu de son arbre un instant pour contempler les dégâts qu'il avait causés, en voulant grimper toujours plus haut, il cassait parfois quelques branches qui sont malencontreusement retombées sur les mauvaises personnes. Depuis ce jour, cet homme rêve toujours, secrètement cette fois, de faire tourner le monde dans l'autre sens, juste pour voir ce que ça donnerait. Cet homme s'est laissé une fois de plus surprendre par un amour qu'il n'attendait pas, et qui lui fait revivre encore plus intensément, ce bonheur des découvertes, qu'il a connu jadis.

En somme, rien n'a changé, il s'habille toujours autant à l'opposé des modes, se coiffe comme bon lui semble, et même, il arrive encore parfois qu'on l'aperçoive sur les hauts d'une tour ou au bord d'une crique isolée. Mais cet homme-là, il a acquis quelque chose que les gens appellent la maturité. Lui, il préfère appeler cela: méfiance. Cet homme que j'ai côtoyé depuis si longtemps, m'apparaît aujourd'hui comme aux premiers temps: réservé et peu bavard. Seulement, je sais que maintenant, ce n'est pas parce que son esprit est occupé par mille constructions mentales, mais cette apparente absence de communication avec l'extérieur résulte en fait de cette méfiance: il choisit à présent les rares amis à qui il veut parler de choses profondes, sa confiance est plus dure à acquérir qu'auparavant. Et puis il a perdu cette assurance intérieure qu'il avait autrefois: il n'est plus si utopiste, il craint aujourd'hui de gravir les étages de l'arbre, de peur de blesser à nouveau quelqu'un qu'il aime.

C'est ainsi que le jeune homme que j'ai connu est passé d'un papillon curieux virevoltant au gré des vents qui l'emmenaient, au coq fixé sur son clocher, qui regarde cette fois en direction du vent, pour essayer de percer au loin ce qui l'attend. Et puis, je crois que je fais à peu près la même chose que lui. Aujourd'hui, sereinement, je regarde l'avenir en voyant ce que ce vent a déjà pu apporter, et je me dis que l'homme dont je vous ai raconté l'histoire ce soir a encore bien des choses à m'apprendre... Et puis... le meilleur moyen de ne pas être blessé en recevant une branche de l'arbre qu'il aura choisi de gravir, c'est encore de l'accompagner! Qui sait, on n'a peut-être pas grand-chose à perdre, et peut-être qu'avec les années, il a acquis une certaine expérience dans l'escalade de ce genre d'observatoires...

30 mai 2010

Premières fois



Photo réalisée le 22 mai 2010



Premières émotions




Chère lectrice, cher lecteur, cela fait maintenant plus de deux ans que vous venez lire mes messages, aussi fidèlement que possible, et cela me fait vraiment chaud au coeur! Cela me touche particulièrement, parce qu'aujourd'hui, la "concurrence" est rude, entre les activités que nous avons tous, et les sites internet plus... distractifs, cela fait plaisir de voir qu'il existe encore parmi nous des personnes qui ont cette envie d'arrêter un instant leur course folle, et de lire quelques lignes. Pour cela, je voudrais vous remercier, ainsi que pour votre regard chaque fois affûté, comme si c'était pour la première fois que vous me lisiez. Parce qu'en effet, si vous savez que chaque mois paraîtra un texte, le sujet est toujours différent (du moins je l'espère!), ceci pour éviter les habitudes qui s'ancrent terriblement vite dans nos vies actuelles.



Un jour, un directeur de choeur avait dit qu'il fallait réinterpéter la musique à chaque instant, faire comme si on la découvrait pour la première fois, à chaque concert, la seule différence étant que l'on connût bien les notes à chanter. L'interprétation. Est-ce que, vraiment, lorsqu'on découvre une pièce, on l'interprète déjà? En quelque sorte, oui, car dès qu'on lit un texte, qu'on ressent une émotion grâce à tel accord mineur, on se fait tout une foule d'images. Puis, avec le temps, cela s'affine, et les meilleurs directeurs vous donneront des images encore plus pointues. Lorsque les écarts entre les notes ne sont plus un obstacle, lorsque les nuances sont bien installées, lorsque le texte ne fait plus trébucher personne, il reste l'esprit. C'est peut-être la chose la plus difficile à mettre en place, et c'est la seule chose que le compositeur ne peut pas vraiment écrire. Et c'est ici que débute véritablement l'interprétation, c'est ici que pour l'auditeur, tout va changer, sans même qu'il ne comprenne vraiment d'où cela vient. C'est ce qui fait toute la magie d'un concert réussi. C'est donc simplement pour éviter toute routine, que l'on chante comme pour la première fois, car tout automatisme, quel qu'il soit dans le domaine de l'art, est mortel.



En quelque sorte, ces premières fois ont quelque chose de magique. Regardez un peu les événements les plus marquants de votre vie, ce ne sont bien souvent que des premières fois: le premier tour de quartier à vélo, le premier bisou, le premier amour sérieux, la première fois sur scène, le premier flirt, la première déception, puis un mariage, un enfant, sans oublier la plus importante des premières fois, notre toute première respiration! Et puis, entre ces événements, il y a les jours "normaux", les habitudes, les attentes de ce qui se fait par principe. Eh bien, je crois que la vie devrait être traitée comme la musique: il faut l'interpréter à chaque instant. Et pour l'interpréter de la meilleure manière possible, il faut y mettre de l'émotion, des nuances, de la justesse, du punch et du calme, et surtout, de l'esprit. Un esprit qui ne vient qu'en regardant les choses avec un regard neuf à chaque fois, chaque jour est une première fois, car plus jamais on ne revivra un 30 mai 2010, à 10h39! Pour interpréter cette partition de la vie, avec ses hauts et ses bas, on ne peut plus compter sur un directeur qui nous donne systématiquement tous les départs, cette fois-ci on devient notre propre directeur, auteur, compositeur, et interprète!



C'est ainsi que je vois la vie: comme une marche, parfois lente et pénible, parfois sautillante, légère. Chaque pas que l'on fait est le dernier, on ne posera certainement plus jamais le même pied à cet endroit exact, avec exactement cette même force. Mais si c'est le dernier de toute une vie, le suivant sera aussi le premier et le dernier de toute une vie, et ainsi pour chaque pas que l'on fera! En fait, chaque dernière fois n'est pas une fin, mais un début d'une prochaine fois. Alors, pourquoi donc se morfondre de tristesse et de mélancolie pour cette dernière fois, lorsqu'on sait le nombre de premières fois qui nous attendent encore?! Et cette dernière fois qui nous chagrine, peut-être même qu'on arriverait à la vivre comme une première fois, qui sait! Il suffit pour cela de l'interpréter de la meilleure manière possible!

27 avril 2010

Infinis




Photo réalisée le 24 avril 2010 à Romont


Ces distances qui riment avec la beauté...



L'Homme a longtemps cru détenir un savoir infini, il s'est depuis toujours mesuré à la nature, en essayant de la dompter, de la domestiquer. On a réussi à l'imiter pâlement au début, puis les techniques se sont affinées, on a réussi à imiter les oiseaux, les poissons, ou le camouflage du serpent. On a domestiqué le feu, en repoussant les limites des connaissances toujours plus loin. On a décortiqué les mystères de l'atome, à tel point qu'on sait aujourd'hui comment détruire la Terre plus d'une centaine de fois. Mais qu'avons-nous vraiment appris de tout cela?! Est-ce que notre savoir nous permet d'éviter les conflits entre les humains, tous plus jaloux les uns que les autres? Ce savoir nous a-t-il permis de vivre en parfaite harmonie avec la planète qui nous accueille, et de pouvoir espérer y vivre sur le long terme, comme l'ont fait la plupart des espèces qui n'ont pas encore disparu? Et en fin de compte, que savons-nous vraiment de notre milieu de vie? On estime qu'il reste encore 70 à 97% des espèces d'insectes à découvrir! Cousteau disait lui aussi qu'il ne comprenait pas ce qu'on allait faire sur la lune, alors que tout dans les océans reste encore à découvrir. Le symbole-même de cette recherche éperdue de connaissances à l'extérieur de soi-même, c'est le peu de choses que l'on connaît sur notre propre cerveau!


Dès lors, il me semble franchement très prétentieux d'oser affirmer que nous connaissons quelque chose de notre monde! Sur les temples grecs, il était écrit: "connais-toi toi-même". Une maxime que nous avons tant de peine à appliquer! Et si nous allons plus loin que les connaissances dites scientifiques, celles qui concernent un fonctionnement que l'on peut, avec suffisamment de moyens, décortiquer, si nous allons plus loin que ces connaissances-là, si nous allons chercher des explications à nos comportements, à nos pensées, c'est pour ainsi dire impossible! Tous ces psychologues qui ont étudié le comportement humain, arrivent aujourd'hui à trouver quelques constantes, mais pour des populations très ciblées, et encore, en excluant pas mal d'exceptions. Or, ce qui fait toute la beauté du genre humain, ne sont-ce pas justement ces exceptions? Ou le nombre incalculable de différences entre une culture et une autre? C'est cela même qui fait toute la richesse de notre espèce, et toute sa complexité, du même coup. Une complexité que personne aujourd'hui n'a réussi à comprendre dans sa totalité. Et pourtant, entre un être humain de Chine, de la forêt amazonienne ou d'Europe centrale, il y a extrêmement peu de gènes qui diffèrent. Si nous sommes tous identiques, nous sommes tous très différents en même temps. Cela, c'est peut-être une des seules vraies réalités dont nous avons, pour la plupart, pris conscience.


J'ai lu une réflexion d'un papa qui explique à son fils pourquoi nous ne pouvons pas nous comprendre: si nous arrivons à comprendre le fonctionnement du ver de terre, c'est que nous avons un système plus développé que le sien, car lui-même ne peut pas comprendre le fonctionnement de son propre système nerveux. De la même manière, nous sommes donc incapables de comprendre nous-mêmes notre propre fonctionnement. Et le petit, à ce moment, imagine alors qu'il doit bien y avoir quelqu'un qui comprend mieux que nous notre fonctionnement, mais que lui-même ne se comprend pas, tant son cerveau serait alors complexe... Le recul que nous avons d'avec le ver de terre, c'est le même que celui qui nous manque d'avec nous-mêmes, pour pouvoir nous comprendre. Ce recul, certains pensent le trouver en observant le mouvement des molécules, ou en traquant de nouvelles espèces d'animaux. D'autres observent des échantillons de populations, d'autres encore préfèrent s'évader dans la spiritualité.


Et s'il n'y avait en fin de compte rien à comprendre? En nous éloignant suffisamment, on réaliserait peut-être alors la beauté de notre Terre, comme l'exprimait l'astronaute Edgar Mitchell, qui parlait d'une "expérience à vous couper le souffle qui consiste à voir la planète Terre flottant dans l'immensité de l'espace comme un splendide joyau bleu et blanc suspendu sur un ciel de velours noir." On s'éloigne tellement de notre planète, pour la voir dans son ensemble, que nous ne voyons plus les milliards de fourmis qui s'agitent à sa surface. Et on se rend compte alors que la beauté de ce spectacle est complètement indépendant de la volonté humaine: la sphère bleue et blanche existait bien avant nous, et existera encore longtemps, avec ou sans nous. Et alors, peut-être n'y a-t-il finalement rien à comprendre, mais tout à apprendre, à observer, à ressentir. Car cela, nous pouvons le faire depuis notre capsule spatiale.


Ainsi, en fin de compte, si l'on peut ressentir et observer depuis l'espace, on peut le faire aussi tout près de nous-mêmes; c'est ici que l'infiniment grand et l'infiniment petit se rejoignent parfaitement: tous les sentiments qui animent un être humain peuvent se ressentir, où qu'il soit, quoi qu'il observe, à n'importe quel instant, à la seule condition qu'ils soient animés par la beauté, le respect et l'humilité. C'est ainsi qu'un mariage dans notre entourage proche, une belle soirée avec des amis, un anniversaire fêté en simplicité et dans la joie, ou un coucher de soleil en solitaire, tous ces événements que nous observons quotidiennement font partie intégrante du magnifique spectacle éternel de notre sphère suspendue sur un ciel de velours noir. C'est pour cette raison, pour cette beauté universelle, que tous ces infimes moments exceptionnels méritent d'être vécus et ressentis avec tous les sentiments auxquels ils ont droit, sans exagération ni timidité...

28 mars 2010

Un seul mot


Photo réalisée le 28 mars 2010

Inspirations


L'inspiration ce soir peinait un peu à venir jusqu'à moi, peut-être que je ne l'appelais pas assez fort... Alors j'ai un peu promené mon regard, qui ne s'accrochait pas à grand chose, il faut bien l'avouer. Et puis, j'ai cherché parmi toutes les images que je pouvais trouver dans ma grande boîte noire, en espérant que ces clichés m'aideraient à trouver quelque chose à vous raconter ce soir. Et puis non, définitivement, la page blanche restait blanche, impossible d'y inscrire le moindre mot. La page blanche... celle dont tant d'auteurs parlent, celle qui fait un peu peur, qui intimide en tout cas. C'est cette fameuse page, d'ailleurs, que certains s'empressent aujourd'hui de couvrir de caractères les plus accessibles, de peur de ne pas savoir quoi y mettre pendant qu'ils recherchent l'idée. Le but est de remplir, si possible à grand renfort d'exagérations et de sensations fortes, peu importe, pourvu qu'on remplisse.

J'ai préféré m'aérer l'esprit, le laisser vagabonder un instant de plus, ne plus penser à cette page blanche, du moins l'espace d'un instant. Et puis, en laissant le regard se promener librement, sans contrainte et comme libéré de ce but absolu de trouver l'idée, je ne cherchais plus. C'est exactement à ce moment que j'aperçus à quel point certains endroits de ma maison paraissaient invisibles, ou du moins si discrets que je suis toujours passé à côté sans apercevoir leur beauté cachée. Cette beauté, je ne l'avais jamais expérimentée à l'intérieur de chez moi, je l'avais toujours cherchée à l'extérieur, fouinant le recoin de nature la plus immaculée, scrutant l'horizon pour dénicher le nuage le plus fou, ou me précipitant sur mon appareil lorsqu'un moment magique de l'aube qui se lève sur les champs brumeux du matin apparaissait.

Je n'avais rien compris. Ou du moins, je n'avais saisi qu'une infime part de ce que nous pouvons réellement voir. Car je cherchais avec mes yeux. Lorsque ce soir j'ai vu ce petit coin de paix à l'intérieur de ma maison, je n'ai pas vu que son aspect esthétique, mais j'ai vu à l'intérieur de moi. La photographie, comme la peinture ou la musique, ne devrait jamais être question de technique ou d'expérience. Ce ne sont là que les outils permettant d'exprimer quelque chose de beaucoup plus profond, quelque chose qu'on ne peut comprendre qu'avec son coeur. Ce soir, j'ai à nouveau ressenti la tristesse partagée lors de ma première rencontre significative avec une personne qui a beaucoup compté dans ma vie. Ce soir, j'ai senti le goût des grillades que je faisais avec mes parents, lors de nos longues promenades dans les bois. Ce soir, j'ai fait comme pour la première fois l'expérience troublante de voir ces étincelles dans les yeux de la personne qu'on aime. J'ai ressenti le bien-être de la chaleur enveloppante que l'on peut éprouver près du feu, l'hiver, quand tout dehors est figé par le froid. Ce soir, j'ai ressenti l'amour. L'amour passé, l'amour présent, l'amour beau, chaleureux, celui qui sent l'odeur du printemps, l'odeur de l'espoir, l'amour étincelant, parfois aveuglant, et parfois éclairant; l'amour futur, celui de la confiance et des rêves.

Ce soir, j'ai ouvert mon coeur à ce que mes yeux prenaient pour une petite flamme, et j'ai découvert un univers complet à l'intérieur de cette toute petite chose presque insignifiante, que l'on peut balayer d'un seul souffle, et que je n'avais jamais vraiment vue auparavant. Eh bien, cette petite chose m'a fait revivre des émotions passées, que je croyais oubliées, enfouies. Ces événements passés, que j'appelais souvenirs, ne me suggéraient que quelques vagues images, parfois même un peu déformées. Ce soir, j'ai envie de mettre un autre nom sur ces images, je vais les appeler mélancolie, chaleur, lumière, et partage, car ces images et les émotions qui sont revenues avec elles, sont souvent accompagnées du visage d'une personne. Tous ces mots que je mets sur ces souvenirs émotionnels, peuvent se résumer en un seul mot, l'amour. Mais il y a quelque chose de plus, à l'intérieur de ce seul mot, et dans tous les autres aussi, il y a la confiance. Cette confiance qui permet d'avancer, et de croire en l'avenir, est puisée dans ces émotions passées auprès de personnes aimées autrefois, ou encore actuellement. L'amour ainsi partagé aujourd'hui grâce aux magnifiques souvenirs, guide les émotions d'aujourd'hui, celles dont je me rappellerai demain, pour vivre à nouveau l'expérience, chaque jour unique, de la beauté.

C'est alors que je me souviens de ma page blanche. Celle-là même qui s'est tout à coup remplie d'elle-même, des plus belles empreintes, celles du coeur. Et je me rends compte que la question de l'inspiration n'était pas la force de mon appel, mais la voix que je devais employer, et surtout la manière d'en écouter la réponse...

28 février 2010

Regrets...?


Regrets passés, et pour le présent?

Photo faite le 23 janvier 2010


Imaginez comment un homme nous raconterait sa vie d'antan, vie que nous connaissons encore aujourd'hui, en certains endroits privilégiés...

"-Que font-ils au village?
-Les bêtes sont rentrées, au loin roule un orage, le renard est au pré.
-Ont-ils fauché les blés, nous ont-ils oublié?
-Je suis du pays de la longue attente, quand Pâques s'attarde en chemin. Je suis du pays au bord de la pente, la brume le cache au matin.
-Que font-ils au village?
-C'est l'heure du laitier, un oiseau de passage les a-t-il alertés?
-Que font-ils au village?
-Ont-ils rentré les blés? Nous ont-ils oubliés?
-Je suis du pays où les gens vieillissent plus tôt qu'aux pays d'alentour. Il faudrait qu'un jour la terre me nourrisse, alors je reviens aux labours.
-Que font-ils au village?
-Les vieilles ont reprisé les habits de lainage qu'on avait méprisés.
-Que font-ils au village?
-Ont-ils battu les blés?
-Nous ont-ils oubliés?
-Je suis du pays où chacun s'accroche au mur démoli du jardin. Son coeur est trop plein, mais vides ses poches, et rare est l'odeur de son pain.
-Que font-ils au village?
-Nous ont-ils oubliés?"

Cette chanson des regrets parle d'elle-même, comment ne pas être touché par cet éloge au rapport à la terre, à ce souvenir peut-être lointain pour certains d'entre nous, et si vivant encore qu'il en est presque actuel pour d'autres? Aujourd'hui, nous nous complaisons parfois dans les regrets, l'amertume, la mélancolie... autant de mots qui peuvent se réunir en un seul: l'absence. Absence de quoi, vous me demanderez.

Eh bien l'absence d'espoir, l'absence de croyances. Il faut croire en l'amour, il faut continuer d'espérer un jour meilleur, ou la perpétuité du bonheur actuel. Nous avons jour après jour des preuves indubitables que ces espoirs ne sont pas vains, qu'un jour ou l'autre, la chanson qu'on croyait terminée pour de bon, reprenne de plus belle sans prévenir. Et ce jour-là, le jour où cette croyance est confirmée, il peut arriver n'importe quoi, on se sent plus fort que tous les éléments, on est prêt à traverser n'importe quel fleuve, à enjamber n'importe quel obstacle!



(La chanson des Regrets, texte d'Emile Gardaz, musique d'André Ducret)

31 janvier 2010

Tant pis


Les traces accumulées d'un temps passé...

Photo faite le 26 janvier 2009 (tirée d'Internet)


Il est des choses qui méritent qu'on s'y attarde. Prenons un exemple: un instituteur bien connu de moi me racontait il y a peu de temps sa passion: son métier. Chaque jour, avec ses élèves, il réinvente son métier, chaque jour, hors de sa classe, il réfléchit à amener quelque chose de nouveau aux enfants. Il me racontait sa balade dominicale, durant laquelle il s'est amusé des mots composés soudain d'un son bien distinct de la langue française, et en principe d'une seule consonne. Ainsi, le pain, le paon, le pan, le pis, la peau, le pot, le pas, le pet, la paix, le poing, le poux, le pus, le pont, l'ont accompagné rêveusement lors de sa promenade. Le lendemain, il n'est pas difficile d'imaginer avec quelle facilité et quelle curiosité les enfants ont découvert les sons composant notre langue. C'est tellement plus intéressant, le temps passe si vite, pas le temps de s'ennuyer!


Ne pas avoir le temps de s'ennuyer, voilà bien une expression que l'on connaît depuis bien longtemps. Ce type d'expressions est devenu si présent dans notre quotidien, que c'en est presque devenu une manière de vivre: allons vite aux toilettes, vite faire quelques courses, vite ceci, vite cela... Un capitalisme industriel, une société consommatrice à outrance en ont résulté, provoquant les dégâts que plus personne n'ignore aujourd'hui. L'inconvénient, c'est que non seulement cette manière de vivre nuit à notre environnement, notre espace vital, mais touche aussi au psychique. Cet art de vivre à toute allure, de jongler avec le temps, nous l'avons si bien dompté que nous avons parfois de la peine à lever le pied, regarder dans le rétroviseur, et nous remettre en question. Parce que cela demande un effort, que de freiner, la plupart d'entre nous préfère éviter l'obstacle de justesse plutôt que risquer de briser la moyenne.


Est-ce donc si nécessaire de savoir s'arrêter? Lorsque l'on fonce, tête baissée, on n'a pas le temps de tergiverser, on s'abrutit de travail, c'est moins courageux et moins difficile que d'affronter le regard effaré de ceux qui peuvent encore nous suivre un petit bout, un regard parfois interrogateur, le plus souvent égaré, ne sachant pas où se dirige cette personne que l'on tente désespérément de protéger du mur que l'on voit s'approcher à pas de géant, que l'autre n'aperçoit pas. Savoir s'arrêter, reprendre son souffle, lever les yeux pour se repérer, peut-être même discuter des options pour le chemin à suivre pour la prochaine étape, ne sont pas des compétences nécessaires, elles sont simplement vitales.


Malheureusement, aujourd'hui, nous n'avons "plus le temps", pire, nous n'avons "pas le temps", comme si nous ne l'avions jamais eu, pour observer ce monde qui nous entoure, que nous blessons au passage par notre comportement de tornade. Il y a des choses qui méritent cependant qu'on s'y attarde, on découvre des trésors dans le langage que l'on emploie quotidiennement, dans le paysage que l'on voit sans regarder, dans l'amour que l'on rencontre sans le vivre. Et puis vient cette impression de vide, comme si quelque chose manquait à cette vie. C'est le premier voyant rouge sur le tableau de bord: si on continue à cette allure, la vitesse, l'énergie grisante du saut en chute libre risque de s'arrêter brutalement, si l'on n'ouvre pas le parachute à temps. Prenons le temps de ralentir, de réfléchir à la situation, et peut-être même serait-il possible d'avoir le temps de choisir un point d'atterrissage plus agréable que celui qui nous était destiné losque l'on chutait, à la vitesse et avec la trajectoire d'une météorite lancée depuis l'infini.


Asseyons-nous, écoutons l'instituteur, lui qui nous raconte comment il "perd son temps" à chercher comment le faire passer plus vite à ses élèves, si impatients soient-ils. C'est son défi, car à cet âge, le temps qui passe moins vite est ennuyeux. Et le temps ennuyeux n'apprend plus rien. Heureusement, en grandissant, avec la maturité qui se développe, ce raisonnement change du tout au tout... N'est-ce pas?!