Une photo, c'est un instant volé à l'éternité, c'est un paysage capturé, un sourire immortalisé... Car tout change, le temps ne s'arrête jamais, et c'est le temps qui transforme nos paysages, notre quotidien, qui fait passer un enfant du sourire aux larmes. Le temps. Cette notion que seul l'Homme a réussi à quantifier, en se basant sur des observations de notre planète; un tour sur nous-mêmes, voici un jour qui vient de passer. Un tour autour du soleil, et nous passons les quatre saisons en revue. Et puis, nous avons réussi à subdiviser ces unités de temps, en 24 heures, 1'440 minutes, 86'400 secondes, et comme si ça ne suffisait pas encore, on en a fait des dixièmes, des centièmes, des millièmes de secondes! Imaginez la démesure: essayez donc de compter jusqu'à 86'400'000 en une journée! Vous auriez déjà perdu le pari rien qu'en reprenant une bouffée d'oxygène. Et pourtant, il suffit de quelques-uns de ces millièmes de seconde pour transformer une infime particule d'eau en un joli cristal figé par le froid, et de cet infiniment petit naîtra un manteau d'ouate uniformémant réparti sur toute la plaine, arrondissant tous les angles, feutrant les cris des enfants jouant au loin, crissant sous nos pas.
En une seconde, c'est une goutte d'eau toute entière qui se figera sous l'effet du froid. Les flocons ainsi formés tomberont par milliers, toucheront le sol, les toits, le bonnet du petit garçon qui joue là-bas, avec une douceur infinie. En une seconde, c'est peut-être 100, 200 flocons qui toucheront la Terre en une multitude d'endroits différents, illuminant le regard de 10 ou 20 personnes, le temps d'une ou deux secondes.
Si une photo a la capacité de capturer cette seconde-là, de mémoriser ce sourire furtif chez l'une de ces personnes, c'est que le nom d'instantané lui correspond à merveille. Une photo peut figer une gouttelette de notre vie, mais il est une seconde qui ne se glacera jamais, c'est la seconde que l'on ressent dans le coeur, celle qui suit la première sonnerie du coup de téléphone que l'on attendait toute la journée, c'est la seconde qui suit le premier cri d'un nouveau-né, c'est la seconde qui précède les douze coups de Minuit, le soir de Noël, juste avant d'entrer dans l'église et de partager un vrai moment de bonheur avec 10, 20, 100 ou 200 personnes venues suivre la messe. Et à ce moment, on peut se poser la question "à qui appartient cette seconde-là? Est-ce que nous sommes encore le 24 à minuit, a-t-on déjà commencé le nouveau jour?" Cette seconde en suspension dans l'air du temps, qui n'appartient à personne, mais qui fait le point de pivot de toute une tradition ancestrale, cette seconde-là n'est à personne mais concerne tant de personnes...
Suspendre le temps, pour pouvoir profiter d'un instant que l'on sait de courte durée, ou pour prolonger un instant de bonheur partagé grâce à la musique, qui n'en a jamais rêvé? Un appareil photo de très bonne qualité n'en est peut-être pas la clef, peut-être s'agit-il simplement d'ouvrir son coeur et d'apprendre à accueillir dans notre mémoire émotionnelle ces secondes de magie. Car si la photo nous rappelle immanquablement un instant important pour nous, aussi infiniment petit soit-il, c'est dans notre coeur que le souvenir s'est accroché.

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