26 juin 2012

Tabula rasa


Quelle est la limite d'une bille?

Photo réalisée le 23 octobre 2009




Tabula rasa, comme on dit, ou table rase... Faire table rase, tout balayer, tout ranger pour tout recommencer, purifier, assainissement parfois nécessaire, repartir de rien pour construire à nouveau, bâtir sur de nouvelles bases. Partir, poursuivre une route, toujours droit devant, dans l'idée de s'éloigner de tout. Partir pour oublier, peu importe la direction, pourvu qu'on s'éloigne, pourvu qu'on puisse vivre ce rêve dont on a toujours enfoui l'existence. Tabula rasa... Le changement. Avancer, surtout ne jamais rester sur place, ne pas prendre racine, les racines sont dans les chaussures, les pas qui nous attendent invitent à la découverte, les pas que l'on a déjà accomplis forment nos souvenirs, et alors la réalité se simplifie à l'extrême avec cette seule notion géographique du passé qu'on laisse derrière soi et du futur qui nous attend, impatient de nous montrer tout ce qu'il nous réserve depuis tout ce temps, et le présent que l'on vit ici et maintenant, de tout son corps, de toute son âme, que l'on partage de tout son coeur. L'Homme avance, et son esprit est en lui, ses pensées sont avec lui, toute l'énergie est concentrée sur lui-même et ce qu'il y a à vivre, à observer, à écouter, à patienter, à chaque instant de la vie qu'il se crée alors de toute pièce, guidé par son seul instinct, par cette petite voix qui résonne en lui non plus comme un sanglot étouffé sous un coussin, mais comme une réelle invitation, un encouragement qui grandit à mesure qu'on l'écoute et qu'il nous fait grandir. L'Homme avance, l'Homme grandit. 

On n'oublie jamais rien, les évènements marquants de la vie restent à jamais, on s'en rend compte lorsque l'on prend le temps d'y réfléchir. Il y a des mécanismes dont nous sommes tous dotés qui nous permettent de mettre de côté les évènements trop négatifs pour ne garder que le meilleur au-dessus de la mêlée. Car inconsciemment, on a compris il y a bien longtemps qu'il ne servait à rien de ressasser ce qui ne va pas, mais au contraire trier et continuer de construire en partant de ce qui nous arrive de bien. On construit avec de belles briques, pas avec des pierres toutes anguleuses et friables. Il ne s'agit donc pas de chercher à oublier, mais de trier, de mettre l'accent sur ce qui le mérite vraiment, et de ne plus penser au passé. Tabula rasa... Les souvenirs sont bons, uniquement lorsque ce sont de bons souvenirs. Et puis, à force de fuir, l'Homme sait aujourd'hui qu'il finira bien par revenir au point de départ, même en suivant la route la plus rectiligne possible. La question sera alors de savoir où s'arrêter dans cette course folle, faut-il s'arrêter?

On ne sait jamais ce qui nous attend plus tard, c'est ce qui fait la beauté d'une vie. Si je prends ce chemin, où vais-je atterrir? Est-ce que je pourrai faire demi-tour? On se pose parfois ces questions, et on tente de prendre la meilleure décision possible, tout en sachant que dans une semaine, un mois, dix ans, on se rendra peut-être compte que cette décision n'était peut-être pas la meilleure. Alors il y a les méthodiques: toujours tout droit, tête baissée, on ne se pose pas de question. En principe on arrive assez loin, mais on loupe peut-être quelque chose à ne pas se laisser surprendre par les bas-côtés. Il y a les papillons, qui virevoltent à gauche à droite, pour ne surtout rien laisser, ne rien rater. Ils ne vont généralement pas loin, mais leur chemin est parcouru de beautés insoupçonnées. Chacun a sa manière d'avancer, et qu'il faut, pour réussir sa quête, respecter avant tout; l'essentiel n'étant pas le but, mais le chemin pour y parvenir, ainsi que le disait un grand sage. Tabula rasa? Oui, car plus on arrive à nettoyer son esprit, à se libérer de tout agenda et distractions qui nous font perdre notre temps, plus on arrive à l'essentiel, plus notre oreille arrive à communiquer avec le coeur et commander les yeux et les pieds dans la bonne direction. Chaque geste devient alors l'accomplissement de soi, la parole n'est plus un simple moyen de combler un vide oppressant parce qu'on en avait peur, maintenant on aime ce vide, car il est comme la toile blanche de l'artiste, sur laquelle nous pouvons inscrire librement nos pensées, vivre sans a priori chaque nouvelle situation, il n'y a plus de préjugé, mais uniquement du jugé, du présent.

Alors cette ligne d'horizon, là-bas, au loin, nous attire irrémédiablement, car c'est la pureté totale, cette ligne parfaite, doucement courbe, cette démarcation entre l'eau et le ciel est si nette et pourtant si confuse. Qu'y aura-t'il après? On y va, et l'on se retrouve soudain entouré par cette ligne, et alors on ne sait plus non plus ce qu'il y avait avant. On est un tout petit point au milieu d'un océan gigantesque, un tout petit point au milieu de toute une galaxie, de tout un univers... Et l'on se pose la question: quelle est la limite que représente cette ligne?