25 mars 2012

Tensions superficielles

Tension superficielle, ou galets?

Photo réalisée le 12 mai 2008



Imaginez: un grand bocal dans lequel je mets quelques gros cailloux. J'entasse les galets de manière à en mettre le plus possible. Une fois que j'aurai mis le plus grand nombre possible de galets, le bocal sera donc plein, n'est-ce pas? Alors pour vous démontrer le contraire, je prendrai une bonne poignée de sable, peut-être deux, et le sable comblera les interstices entre les galets. Cette fois-ci, mon bocal sera vraiment rempli. Le sable a cette fois-ci complètement rempli les moindres petits trous, impossible de rajouter quelque chose de supplémentaire! Alors j'irai remplir une carafe d'eau, et aussi simplement que les galets ou le sable, j'arriverai encore à rajouter quelques décilitres d'eau, peut-être un litre. L'eau ne débordera pas, le sable saura, lui aussi, faire une place pour que l'eau puisse se glisser un peu partout entre les minuscules espaces que laisseront les petits grains de sable.

Faites l'expérience, vous serez surpris par la quantité de matière que l'on peut rajouter même lorsque l'on croit que le bocal est plein. J'ai découvert cette petite démonstration lors d'un cours de philosophie, lorsque j'étais au collège. Le prof voulait nous faire comprendre grâce à cette image qu'il ne fallait pas se tromper dans l'ordre de nos priorités, quant au choix que l'on pouvait faire dans notre vie. Par exemple, on peut considérer que les galets représentent la famille, le sable serait les amis très proches, la copine, etc, et l'eau serait ensuite les amis plus éloignés, les connaissances. Si on met la priorité d'abord à nos amis proches et moins proches, il y a beaucoup de risques que l'on ne remplisse le bocal qu'avec du sable et de l'eau, et il ne resterait alors plus la moindre place pour la famille, impossible de rajouter le moindre galet dans un bocal déjà rempli de sable, surtout s'il est encore renforcé par de l'eau.

Cette image m'est revenue aujourd'hui, en écrivant cette photo du mois. Les changements font partie de la vie, il n'y aurait pas de vie si les changements n'existaient pas. Le plus grand changement de la Terre a été de transformer l'atmosphère qui régnait, une atmosphère irrespirable jusqu'à ce que l'eau présente un peu partout commence à s'évaporer, sous l'effet de la chaleur. Les premières plantes ont alors poussé, oxygénant peu à peu l'espace autour d'elles grâce à la photosynthèse. Si l'eau n'eut pas été présente, les plantes ne seraient jamais apparues, et l'air ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui, le ciel ne serait pas bleu non plus. Le premier grand changement que connut la Terre a permis l'apparition de la Vie, et la Vie a permis une quantité énorme de changements supplémentaires; la Vie et les changements forment donc un couple très fusionnel depuis des milliards d'années.

Et pourtant, il est des changements dans une vie qui sont parfois difficiles à accepter. Nous en connaissons tous, nous devons prendre des décisions qui ne nous plaisent pas toujours, ou alors des événements nous poussent à réagir d'une manière qui ne nous correspond pas forcément, mais voilà, parfois le choix n'est pas proposé. Quand le mal est fait, il s'agit de reconstruire ce que l'on peut, avec les morceaux cassés ou quelques pièces neuves. C'est là qu'il faut faire le tri, comme pour le bocal: il s'agit de reconstruire avec de bons galets, et surtout ne pas commencer par les détails, l'eau viendra en tout dernier. Il y a aussi forcément des sentiments qui apparaîtront dans cette reconstruction, à nous de voir lesquels sont vraiment prioritaires, peut-être que la colère ou la peur peuvent nous faire avancer ponctuellement, mais ils restent de l'ordre du sable, peut-être. Afin de pardonner, de tourner une page, parfois si lourde qu'il nous faut des mois, des années pour y arriver, il est utile de savoir reconnaître les bons galets, et de les empiler dès le départ.

Alors, une fois tous les éléments rassemblés, le bocal rempli de la bonne manière, sans rien laisser de côté, la décision s'imposera d'elle-même, les difficultés disparaîtront et la solution semblera si ridiculement accessible qu'il se pourrait même qu'on en rie. Et sans que l'on ne s'en aperçoive, la décision si difficile aura déjà été prise, le gros du boulot aura déjà été fait.