Photo réalisée le 11 avril 2009 à Chemin
Aujourd'hui, un jeune homme a aidé son père à remettre le mât de leur bateau. En effet, vous savez peut-être qu'un bateau devrait sortir de l'eau chaque année pendant l'hiver, pour le protéger de la morçure de la glace sur la coque, l'éloigner pendant une période de l'humidité et pour lui redonner un petit coup d'entretien. Pour sortir un voilier de l'eau, il faut donc lui enlever le mât, à moins que vous ne vouliez qu'on se souvienne de vous longtemps en apposant votre marque sur le premier pont que vous rencontrerez! L'hiver est passé, le printemps est arrivé, ils ont fait ce qu'il fallait d'entretien au voilier, puis l'ont remis à l'eau. Et aujourd'hui, un jeune homme a réinstallé le mât de son bateau avec son père. Son père lui a raconté toutes les mésaventures qu'il a eues avec le moteur, qui n'est plus si jeune, la bâche qui a lâché, le siège conducteur qui s'est délogé... Bref, il y a eu cette année plusieurs incidents qui l'ont peu à peu incité à vendre son bateau, devenu un poids toujours plus important... Là commence la véritable histoire.
En rentrant chez lui, le jeune homme était un peu triste de cette nouvelle, mais en même temps plein d'enthousiasme à l'idée de passer le permis de voile pour peut-être reprendre le bien de son père, dont ils ont tant profité il y a quelques années de cela, maintenant. Et puis, il a repensé à une discussion qu'il avait eue avec son père il y a quelque temps. Son père lui avait demandé: "si on te donnait chaque jour exactement 1440.- francs, rien de plus, rien de moins, et que cela recommençait tous les jours, mais que tu ne peux accumuler le moindre centime d'un jour à l'autre, que ferais-tu?" Le jeune homme répondit aussitôt qu'il arrêterait de travailler, qu'il en profiterait pour se consacrer entièrement à ces loisirs, qu'il verrait plus souvent ses amis, qu'il partirait peut-être en voyage. Alors, son père lui annonça que cela faisait depuis que son fils était né qu'il possédait cette richesse, jour après jour. Le jeune homme n'en croyait pas ses oreilles, comment se faisait-il qu'il n'eût pas été au courant d'une telle annonce? Son père lui expliqua que même le patron de son entreprise possédait cette fortune, de même que la personne qui était en train de nettoyer les toilettes, là-bas au fond du couloir, mais que tout comme lui, ces personnes n'en avaient certainement pas conscience.
Le jeune homme avait quitté cette discussion tout bouleversé, il ne comprenait pas ce que voulait dire son père. Comment était-ce possible que tout le monde soit en possession d'une telle somme d'argent, jour après jour, mais qu'ils n'en profitent pas plus? Et surtout, était-ce vraiment possible que toutes ces personnes ne s'en rendent pas compte?
Le soir venu, le jeune homme rencontra ses amis chanteurs, qui étaient presque tous retraités. Il aimait bien leur compagnie, ils partageaient toujours de très beaux moments ensemble, et leur compagnie était agréable, ils lui racontaient toujours des histoires qu'ils avaient vécues pendant leur scolarité, leur armée, tout au long de leur vie. Puis, le jeune homme raconta à l'ancien qui était près de lui ce que son père lui avait dit plus tôt dans la journée. L'ancien lui répondit qu'il devait y réfléchir par lui-même, car les enseignements d'un père sont sacrés, il n'avait pas le droit moral de lui expliquer la signification de cette nouvelle. Mais il lui donna en cadeau une très belle montre à gousset qu'il gardait toujours dans sa poche. En la lui tendant, il lui dit: "prends ceci, je te l'offre, parce que de nos jours, on a parfois tendance à oublier la vraie valeur du temps qui passe. Cette montre n'a jamais fonctionné, mais je l'ai toujours gardée avec moi. A chaque fois que j'en avais l'occasion, j'accordais ma montre à l'horloge publique. Ainsi, quand je passais un moment agréable en présence d'un ami, je profitais de ce moment en suspendant le temps, et lorsque cet instant de partage touchait à sa fin, je réaccordais à nouveau ma montre en attendant le prochain événement. Parfois, il arrivait que je doive faire plusieurs fois le tour du cadran, parce qu'un bon moment s'était prolongé longtemps, ou parce qu'il avait fallu longtemps avant de pouvoir remonter ma montre, car aucun moment agréable n'était venu ponctuer ma vie."
Le jeune homme apprécia beaucoup le cadeau que lui avait fait l'ancien, et le remercia de bon coeur. Il décida de continuer à utiliser la montre de la même manière que son ancien propriétaire, par respect pour lui. Et puis, son histoire lui avait parlé, l'idée lui paraissait très sympathique. Il décida de passer aussi plus de temps avec son père, à l'aider quand il en aurait besoin, parce qu'il lui apprendrait encore certainement d'autres choses, et simplement parce que ce temps partagé était précieux.
Juste avant de quitter le vieillard, celui-ci lança encore une dernière question au jeune homme: "d'après toi, combien y a-t-il de minutes dans une journée?"