30 septembre 2010

Histoire d'hérisson


Einsamkeit


Photo réalisée le 18 juillet 2010



J'ai pris cette photo après un week-end de colonie, avec des enfants. Cette image représentait pour moi extrêmement bien le sentiment qui somnolait en moi à ce moment-là: une impression de vide, de manque, un sentiment qui s'apparente aisément à celui que l'on ressent lorsqu'on est seul, lorsqu'on se sent seul. J'ai beaucoup d'amis qui ont pris la décision, après leur maturité ou avant d'autres écoles, de partir à l'étranger, apprendre une langue ou simplement changer d'atmosphère. D'autres encore sont partis en sachant que cela durera plus qu'une année, ils sont partis pour apprendre ce qu'ils ne pouvaient pas apprendre près de chez eux. Peu importe les raisons et les motivations, ni la durée de ce genre de voyages, le sentiment est toujours identique: on ressent toujours, une fois ou l'autre, ce poids de la solitude. Du moins, c'est peut-être un poids, mais pas pour tous...

Effectivement, celui qui part pour justement retrouver un peu la paix intérieure, le calme absolu, celui-ci se réjouira de cette solitude, de cette absence de paroles futiles et de politesses hypocrites. Et puis, qui d'entre nous n'a jamais rêvé d'une île déserte, d'une banquise à perte de vue, d'une forêt vierge en Amazonie ou d'une plage de sable fin sous les tropiques, juste pour lui? N'a-t-on jamais rêvé, une fois au moins, de tout plaquer, de s'en aller, peu importe où, mais partir, partir loin, laisser tous les problèmes derrière soi? Bien sûr qu'on en rêve. Mais de là à oser faire le pas, à prendre la décision à bras le corps, c'est une autre histoire. Et puis, en quelque sorte, cela nous fait un peu peur aussi. Cette fameuse solitude, qui s'installera certainement, une fois passé le soulagement de la fuite, fait frémir. Car on le sait, si on tarde trop à rentrer, on se retrouvera définitivement seul, face à soi-même. Cela nous fait tellement peur, qu'on préfère encore affronter les plus gros problèmes du moment. Et si on en a peur, c'est qu'au fond de nous, on sait très bien ce que l'on risque de découvrir, une fois confronté à notre conscience, sans rien pour nous en divertir, sans moyen extérieur de l'endormir.

Là encore, il y en a qui s'en sortent, heureusement! Il y en a même qui partent pour justement mettre un peu d'ordre dans cette conscience, qui organisent leur voyage, leur retraite de manière à faciliter encore l'accès à cette conscience, bonne ou mauvaise, ils verront bien ce qui en sortira. J'en ai connu qui savaient que quelque chose ne tournait plus rond dans leur vie, et qui ont un peu espéré que ce voyage qui tombait justement à la bonne période allait les aider à tourner la page. La grande difficulté dans ce genre de solitude recherchée, c'est qu'avant de partir, on espère déjà qu'en revenant, tout ira mieux. En somme, on part en imaginant déjà le retour... Evidemment, ça marche... parfois. Et puis, pour ceux qui ont vraiment fait du chemin intérieur pendant leur séjour loin des habitudes, quelque chose de plus profond se passe. Il y a véritablement une transformation intérieure, et cela fait du bien. On est comme un hérisson, tellement mignon quand il est tout ouvert! On ne ressent aucun danger, on est épanoui, il y a bien sûr quelques petites mésaventures, mais rien qui ne vaille qu'on se roule complètement en boule.

Jusqu'à ce qu'on rentre. Les amis laissés sur place avant le départ, n'ont, eux, pas suivi le même chemin intérieur. Les parents n'ont pas changé la vision de leur enfant, les éventuels prétendants s'attendent à retrouver la même personne qu'avant. Alors forcément, cette personne gardera toujours cette petite révolution qui s'est déroulée en elle-même durant une année, voire plus, mais elle conservera cela comme un petit trésor personnel, comme un album de photos qu'on aime bien, mais que personne ne demande à voir. Alors, petit à petit, on recommence comme avant, on se ferme pour montrer que nous aussi, comme les autres, on a des piques sur le dos, qu'il vaut mieux ne pas trop s'approcher...

Et puis, comme tous les trésors bien cachés, on finit par ne plus retrouver où on les a enterrés. Alors revient l'envie de cette solitude bienveillante, qui nous attendait patiemment depuis la dernière fois. Elle nous guettait du coin de l'oeil, elle savait que plus on l'oublierait, plus vite on retournerait vers elle, paradoxe inéluctable. Mais cette fois sera la bonne, cette fois on saura tirer les apprentissages découlant de cette nouvelle retraite, qui, d'ailleurs, pourra cette fois-ci carrément se passer de distance physique. Cette fois, on a compris comment ça marche, on ne se laissera plus avoir!

Mais au fait, pourquoi cette photo, déjà?!